Protestantisme classique (confessant) versus protestantisme libéral – Vincent Bru

Voir de-même :

Ainsi que (incontournables) :

Est-il nécessaire de le rappeler ? Le protestantisme n’est pas un bloc : il existe dans la famille protestante une diversité qui peut sembler à certains déconcertante, et qui peut l’être véritablement — pourquoi se le cacher ? Il faut savoir y faire face, avec lucidité et honnêteté. Cette diversité est souvent considérée par les protestants eux-mêmes, comme une force. Mais n’est-ce pas une solution de facilité, que de présenter les choses de cette façon là ?

En face, nous avons une Eglise romaine catholique qui affirme ce en quoi elle croit, à travers son Magistère et sa structure pyramidale, avec le pape au sommet.

Il me semble important de rappeler ici qu’à l’époque de la Réformation du 16e siècle, une telle prétention de dire et d’affirmer, avec force et clarté, la Foi de l’Eglise existait aussi chez les Réformateurs, à travers les confessions de foi, qui faisaient offices, en un certain sens, de magistère. La confession d’Augsbourg en particulier était sensée faire l’unanimité entre les luthériens et les réformés. A cet égard, il n’est pas illégitime de parler de l’existence d’une Réforme magistérielle.

Plusieurs courants se sont développés en marge de la Réforme, plus ou moins hétérodoxes. C’est à l’un de ces courants théologiques annexes, considérés par les Réformateurs eux-mêmes comme hétérodoxes, qu’appartient le protestantisme libéral, dans la ligne des théologiens Sébastien Castellion (1515-1563) et Fausto Socin (1539-1604).

Par-delà le 16e siècle, on peut mentionner, parmi les ancêtres lointains du protestantisme libéral, Arius (250-336), fondateur de l’arianisme, qui nie la divinité du Christ, et Marcion (mort vers 160), théologien gnostique, fondateur du marcionisme qui a opposé, au 2e siècle, le prétendu faux dieu de l’Ancien Testament au Dieu qui est amour du Nouveau Testament, tous deux considérés, à juste titre, comme des hérétiques par l’Eglise ancienne.

Dans cet article, à chaque fois que j’évoquerai le protestantisme classique (ou confessant), c’est pour désigner le protestantisme qui s’inscrit résolument dans la ligne de la Réforme magistérielle telle qu’exprimée dans les confessions de foi et les catéchismes des 16e et 17e siècle, avec en particulier, pour les réformés confessants, les trois formules d’unité que sont : La Belgica, et pour la France La Confession de foi de La Rochelle (1559) (ou Gallicana), le Catéchisme de Heidelberg (1563) et les Canons de Dordrecht (1618-1619).

Relion de l’autorité/religion de l’esprit ?

Aux 19e siècle, d’ailleurs, on opposait volontiers le courant libéral au courant orthodoxe. Ce qui s’oppose au libéralisme, c’est l’orthodoxie, c’est-à-dire la règle, la norme de la confession de Foi. A la « religion de l’autorité » que représente l’école orthodoxe – autorité de l’Eglise et des confessions de foi -, s’oppose, selon les propres mots des libéraux du 19e siècle, la « religion de l’esprit », ou encore la « religion de la liberté » – en vertu du principe du primat de l’individu sur l’institution, et du libre examen. Cette prétendue opposition est critiquée de manière fort pertinente par Jean-Daniel Benoît qui relève chez Calvin, en réalité, non pas une autorité mais trois : celle de l’Eglise, celle de l’Ecriture et celle du Saint-Esprit (témoignage intérieur du Saint-Esprit)1. Cette séparation entre religion d’autorité et religion de l’esprit est, selon nous, infondé et artificielle. Car il faut les deux. Le pasteur Serge Oberkampf de Dabrun relevait aussi, de manière fort pertinente, le caractère nébuleux du libéralisme, toujours dans l’universel, la rencontre de l’autre-différent, l’ouverture au questionnement, au doute systématique, au soupçon caractérisé, jusqu’au flou – car qui trop embrasse mal étreint… -, jamais dans la rupture. Or, l’Evangile, c’est la rupture !

Fides qua/quae creditur

A l’époque de la Réformation, et ce, jusqu’au 18e siècle, il y avait donc une vraie volonté de confesser devant la face du monde la Foi une et indivisible de l’Eglise, non pas seulement ma foi (la foi par laquelle on croit, fides qua creditur), ou la foi de tels ou tels individus ou groupes d’individus, mais la Foi objective (fides quae creditur), la Foi que l’on doit croire, qui doit être crue et confesser par tous (c’est le sens originel du mot « protestant », « attestant » !). Il s’agissait de maintenir coûte que coûte le « dépôt de la foi » (2 Timothée 1.14), la Foi normative, qui repose sur la seule Vérité qu’est l’Ecriture Sainte, la Parole de Dieu, seule norme normante (norma normans)  !

Rapport Bible/Tradition – norma normans/normae normatae

Disons le tout net, le protestantisme classique, dont fait partie le protestantisme réformé confessant se distingue radicalement du protestantisme libéral tant dans son rapport avec la Bible qu’il considère véritablement comme étant la Parole inspirée de Dieu, revêtue du caractère de l’infaillibilité – doctrine de l’inerrance, principe externe et formel de la Réforme -, que dans son rapport à la Tradition de l’Eglise qui, sans avoir une place identique que dans l’Eglise de Rome, n’en occupe pas moins un rôle normatif en tant que norme normée (normae normatae). Il n’appartient donc pas à chaque individu de critiquer, de manière toute personnelle, cette Tradition, comme si chacun était « une sorte de pape la Bible à la main ».

S’il convient de revenir sur la Tradition, c’est en tant qu’Eglise et à travers ses Docteurs, qu’il faut le faire. Il doit s’agir d’une démarche collective, et non pas individuelle, c’est-à-dire en Eglise, démarche qu’il convient de mettre en œuvre plus particulièrement quand les circonstances l’exigent vraiment – comme à l’époque de la Réformation. Le principe ici c’est de toujours passer la Tradition au crible de l’Ecriture Sainte afin de veiller à ce qu’elle en découle toujours, plutôt que de s’en écarter. C’est là tout le sens de la formule bien connue : ecclesia reformata, semper reformanda secundum verbum Dei.

Distinction noyau dur de la Foi et adiaphora

Il ne saurait être question, par exemple, en tant que réformé confessant, de rejeter les formulations doctrinales des six premiers conciles œcuméniques de l’Eglise ancienne, avec en particulier le dogme trinitaire. Celles-ci constituent une espèce de borne au-delà de laquelle on est en droit de considérer que l’on sort, purement et simplement, des frontières de la foi chrétienne historique et biblique. La Trinité constitue le « noyau dur » de la Foi, que l’on ne saurait rejeter sans briser l’unité et l’essence même du christianisme.

La distinction entre les doctrines fondamentales de la Foi chrétienne et les points secondaires (adiaphora) est de rigueur ici. On peut concevoir une certaine pluralité , une certaine liberté pour ce qui est des adiaphora, mais pour les points fondamentaux, il en va tout autrement, du moins en protestantisme classique.

Le protestantisme libéral s’accorde à dire qu’il n’y a pas vraiment, à proprement parler, de noyau dur de la Foi, mais plutôt un « noyau mou » 2 qui, tel un nez de cire, peut être remodelé au gré des circonstances de temps et de lieu. En effet, dans cette perspective, qui est évolutionniste, les dogmes ne sont que des expressions relatives de la foi subjective d’un groupe d’individus vivant à une époque donnée. C’est ce qui fait toute la différence entre ces deux approches. Irréconciliables.

Qu’est-ce que le protestantisme ?

Force est de constater que l’on peut, de manière plus ou moins légitime, se réclamer du protestantisme pour des raisons très différentes, et parfois même opposées et contradictoires : libre examen par exemple pour les uns, mis en avant par les libéraux comme s’il s’agissait là d’un principe du protestantisme au même titre que les 5 solas, retour à l’autorité pleine et entière de la Parole de Dieu pour les autres (les protestants classiques). Anti-dogmatisme viscéral pour les protestants libéraux, pour lesquels « la vérité c’est la subjectivité », retour à la Foi une et indivisible de l’Eglise telle qu’exprimée fidèlement dans les confessions de foi des six premiers conciles œcuméniques de l’Eglise ancienne, et les confessions de foi et les catéchismes de la Réforme du 16e siècle, pour les protestants (réformés, luthériens, anglicans, évangéliques) confessants.

Pour le protestantisme classique, la vérité n’est pas seulement subjective mais est objective, car Dieu s’est révélé dans les catégories du langage humain. Dieu parle véritablement dans sa Sainte Ecriture, revêtue du caractère d’infaillibilité. Il s’agit ici de la doctrine de l’inerrance de la Bible, principe externe et formel de la Réforme selon Auguste Lecerf, et cela fait toute la différence !

Fides quarens intellectum

La démarche épistémologique du protestantisme classique, qu’il partage avec les autres confessions chrétienne, est résumé dans la formule connue Fides quarens intellectum de Saint Anselme, qu’il reprend d’ailleurs d’une formule semblable de Saint Augustin (Crede ut intellegas  : « Crois afin de comprendre » ) : « la foi cherchant l’intelligence », ou encore Credo ut intelligam : « Je crois afin de comprendre » 3.

Le protestantisme libéral, en revanche, se définit volontiers comme une approche résolument rationnelle, pour ne pas dire rationaliste des faits chrétiens. Le surnaturel et les miracles sont considérés a priori comme suspects, et appartenant à un âge révolu de l’humanité. Aujourd’hui il convient de proposer de nouvelles formulations des vérités de la foi, basées sur une lecture critique permanente et résolument scientifique des textes bibliques (méthode historico-critique) et de la Tradition, car, disent-ils : ecclesia reformata, semper reformanda ! L’Église ne doit jamais avoir de cesse de se réformer !

Secundum verbum Dei

Seulement voilà, de la formule complète est ecclesia reformata,  semper reformanda secundum verbum Dei, et de celle-ci le protestantisme libéral a fortement tendance a oublier les trois derniers mots. Or ce sont bien ces trois mots qui donnent tout son sens à la formule, qui autrement ne veut plus rien dire du tout.

L’Eglise Réformée doit-elle suivre les modes ou bien se réformer sans cesse selon la Parole de Dieu (secundum verbum Dei) ? Toute la question est là !

Pasteur Vincent Bru (23/11/2023)


A lire (incontournable !) :

Foi chrétienne et libéralisme (John Gresham Machen)
Foi chrétienne et libéralisme
Foi chrétienne et libéralisme (John Gresham Machen)

Ce livre, publié en 1923, est une défense classique de la foi biblique. Il a été écrit comme une digue contre la déferlante du modernisme libéral théologique qui menaçait de submerger l’Église de Christ au début du vingtième siècle. Il présente avec une grande érudition l’importance de la doctrine et de l’orthodoxie bibliques sur les sujets fondamentaux de la foi – Dieu et l’homme, la Bible, Christ, le salut et l’Église.

Un siècle après sa publication, cette présentation de la doctrine chrétienne demeure tout aussi pertinente et utile qu’au premier jour, peut-être davantage. Pour l’auteur, le libéralisme est une religion dénuée d’un vrai Christ et donc sans aucune rédemption efficace pour l’homme pécheur.

Un siècle plus tard, le libéralisme a été ouvertement discrédité, mais il s’est glissé incognito dans les rouages des milieux religieux, jusque dans la mouvance évangélique. De nombreux aspects de la croyance et de la pratique actuelles dans les milieux évangéliques sont directement affectés par les idées contre lesquelles John Gresham Machen luttait.

En plus d’opposer l’erreur, l’auteur présente avec grande clarté quelle est la vérité biblique telle qu’elle est en Jésus-Christ.

À l’occasion du centenaire de la publication du livre, la revue Tabletalk, des ministères Ligonier, a publié une série d’articles qui expliquent au lecteur moderne divers aspects du livre de Gresham Machen. Ces articles sont reproduits ici avec l’aimable autorisation de Ligonier.

« On a souvent dit que le plus important mot du titre est “et”. Machen, le professeur de théologie qui quitta Princeton pour fonder Westminster, affirme avec force que le libéralisme n’est pas une version de la foi chrétienne, mais une religion entièrement différente. »
— Kevin DeYoung

John Gresham Machen (1881–1937) – Il enseigna au prestigieux séminaire théologique de Princeton jusqu’à ce qu’il soit forcé de démissionner par les idées libérales. Il fonda alors le séminaire théologique de Westminster, à Philadelphie. Il fut aussi à l’origine de la fondation de l’Église presbytérienne orthodoxe et de la création du Bureau indépendant presbytérien des missions étrangères.

Sur la théologie du 19e siècles et ses dérives libérales :

Jean-Daniel Benoît, Réflexions sur le protestantisme libéral au XIXe siècle. A propos d’un livre récent / Ernest Rochat, Le Développement de la théologie protestante française au XIXs siècle. Genève, Georg, 1942.

A noter la conclusion avec ces mots si évocateurs sur la théologie libérale : « un libre examen sans contrôle et sans frein qui ne laisse plus subsister qu’un christianisme désincarné, un christianisme fantôme toujours prêt à s’évanouir.« 

Sur la notion de pluralisme :

Controverse au sujet du pluralisme doctrinal dans l’Eglise Réformée de France (Daniel Bergèse, octobre 1980)

Dans La Revue Réformée (en ligne !) :
Voir de même en Anglais :

Paul Wells, James Barr and the Bible : Critique of a New Liberalism – January 27, 2016.


Je ne voudrais pas ici donner l’impression de caricaturer ni de tordre le sens de la démarche du protestantisme libéral, alors je leur laisse ci-dessous la parole à travers ce qu’en dit le Musée Virtuel du Protestantisme et la présentation qu’en fait la revue Evangile et Liberté4, qui vient d’ailleurs de produire son dernier numéro après près de 140 ans d’existence (elle a été fondée en 1886), numéro qui annonce le dépôt de bilan de la revue (septembre 2023) …, Mais d’abord, quelques extraits de wikipedia sur le sujet.


Le protestantisme libéral [wiki]

Le protestantisme libéral est un courant libéral du protestantisme qui met l’accent sur la lecture critique des textes bibliques et « le souci de se « libérer » des contraintes du dogme et de l’institution, ainsi que des pesanteurs sociologiques qui, fatalement, ont tendance à les figer et à les rigidifier »1.

Il naît de la lignée théologique qui part de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) et Adolf von Harnack (1851-1930), et en particulier de la révolution exégétique du xixe siècle, où Albrecht Ritschl (1822-1889) et Ernst Troeltsch (1865-1923) s’illustrèrent dans le renouvellement de la lecture de la Bible.

Parmi ses représentants en France, on compte Charles Wagner,  Wilfred Monod,  André Gounelle, l’Oratoire du Louvre ou le Foyer de l’Âme.

Origines

Les écrits de plusieurs théologiens ont préparé le mouvement libéral2

  • Heinrich Paulus pour Das Leben Jesu als Grundlage einer reinen Geschichte des Urchristentums, en 1828.
  • David Strauss Le Christ de la foi et le Jésus de l’histoire, en 1865.
  • Ferdinand Christian Baur pour Kritische Untersuchungen über die kanonischen Evangelien, ihr Verhältniss zu einander, ihren Charakter und Ursprung, en 1847.

La liberté d’expression naît à la suite de la publication des ouvrages signalés ci-dessus mais dont les sources intègrent des courants de pensée autochtones issus de la philosophie des Lumières et de l’Encyclopédie, et parfois, remontant à la Réforme.

Caractéristiques

En se distinguant par sa volonté de sortir des dogmes et de la lecture littérale des textes, le protestantisme libéral critique les régulations orthodoxes des croyances et des pratiques, les appareils ecclésiastiques et leur pouvoir normatif. Il confesse volontiers l’universalité du salut du fait d’une perception plutôt optimiste de l’homme et de la civilisation.

La Bible est considérée comme pouvant être relue et interprétée en fonction des époques ; le protestantisme libéral s’est ainsi démarqué par son soutien à la bénédiction des unions homosexuelles3 ou au droit à l’avortement4.

Il soutient le dialogue interreligieux et du pluralisme, ainsi que du dialogue de la religion avec la culture. Ses représentants sont généralement impliqués dans l’œcuménisme, avec une ouverture aux autres confessions, y compris dans les cultes5.

Son rejet du dogmatisme et de son imposition par des institutions en fait aussi un défenseur de la laïcité : l’une des premières théories de la séparation de l’Église et de l’État fut formulée dans le livre de Sébastien Castellion Contre le Libelle de Monsieur Calvin puis reformulée par Alexandre Vinet quand il était en Belgique. Il a été en France un des artisans de la loi de 1905, avec Wilfred Monod,  Athanase Coquerel, tandis que Félix Pécaut,  Charles Wagner et Ferdinand Buisson intervenaient dans la construction de l’école laïque.

En France il faut mentionner les personalités suivantes :

En Grande-Bretagne :

Aux Etats-Unis :

Le débat (entre autres) autour du théisme par l’évêque épiscopalien J. S. Spong et ses nombreux ouvrages, dont : Pour un christianisme d’avenir (Traduction de l’américain aux éditions Karthala 2019).

Sujets annexes [wiki] :
Bibliographie :

Musée Virtuel du Protestantisme – Article sur le protestantisme libéral

Le libéralisme théologique se caractérise essentiellement par une grande liberté par rapport à la doctrine et une nouvelle façon de lire la Bible fondée sur la méthode historico-critique.

Origines du libéralisme :

« Protestantisme libéral » désigne un éventail de thèmes et de mouvements plus ou moins proches les uns des autres et non un courant organisé.

Le protestantisme libéral a des sources au XVIe siècle (avec Castellion et Socin). Au XVIIIe siècle, l’influence de la philosophie des Lumières crée un climat favorable à son développement. Cette philosophie influence la théologie protestante universitaire en Suisse, et aussi l’enseignement donné au séminaire de Lausanne fondé sous les persécutions par Antoine Court pour former les pasteurs de France.

Le protestantisme libéral prend de l’ampleur et de la consistance théologiques au début du XIXe siècle avec l’œuvre de l’Allemand Frédéric Schleiermacher, que le pasteur Samuel Vincent fait connaître en France. Il domine la théologie universitaire en Allemagne, un peu moins en France, jusqu’à la première guerre mondiale.

Caractéristiques du libéralisme

Au XIXe siècle, beaucoup d’intellectuels protestants français s’inscrivent dans la mouvance libérale qui se caractérise par les traits suivants :

  • Une grande attention à la culture. On ne veut pas, selon une expression de Schleiermacher, d’un « christianisme barbare », c’est-à-dire en décalage avec les idées et valeurs du monde moderne. On souhaite des pasteurs et des fidèles ayant un bon niveau d’instruction générale, et capables de participer aux grands débats intellectuels de l’heure. Le pasteur S. Vincent cherche à promouvoir, par la création d’une revue, la culture théologique des protestants français.
  • Le refus d’opposer la foi et la raison qui conduit à réduire le surnaturel dans le christianisme. Les libéraux veulent une foi pensée et réfléchie. À quelques exceptions près, ils ne sont cependant pas des rationalistes ni de purs intellectuels. Ils sont marqués par le romantisme de l’époque, insistent sur l’expérience religieuse, sur l’action concrète, et sur la rigueur morale, ce qui les rapproche des Réveils.
  • Un renversement de la notion de dogme, dans la ligne de Schleiermacher. Le dogme n’est pas considéré comme un objet de foi qui dit ce qu’il faut croire. On voit en lui une expression de la foi, qui dit comment un groupe humain, en fonction de sa culture et de sa sensibilité, a formulé ce qu’il croit. Il est donc relatif et révisable.
  • Une étude de la Bible selon les méthodes de la critique philologique et littéraire utilisées pour la littérature profane. À partir de 1850, les travaux des Allemands, en particulier de l’école radicale de Tübingen, parviennent en France. Les réactions sont diverses : enthousiastes chez certains, plus modérées chez d’autres, enfin très hostiles chez ceux qui craignent qu’ils ne détruisent l’autorité de la Bible et enlèvent à Jésus son caractère unique.

Les idées et les méthodes du libéralisme divisent le protestantisme. À la fin du XIXe siècle, les conflits s’apaisent car les libéraux les plus extrêmes ont quitté le ministère pastoral. Les débats se déplaceront et s’approfondiront sous l’influence du symbolo-fidéisme et du christianisme social.

Voir de même :


Revue Evangile et Liberté (« Qui sommes-nous ? »)

Mouvement libéral du christianisme francophone

Évangile et liberté est un mouvement issu du protestantisme libéral et un journal qui exprime les convictions et les recherches d’un christianisme pour notre temps.

Des convictions

Voici la charte sur laquelle le mouvement et le journal se reconnaissent :

Par souci de vérité et de fidélité au message évangélique, refusant tout système autoritaire, nous affirmons :

  1. La primauté de la foi sur les doctrines
    Nous n’aimons pas les vérités intangibles qui prétendent enfermer le divin dans une expression définitive. Les textes bibliques nous invitent à découvrir la richesse de différentes sensibilités et des discours pluriels sur Dieu. C’est la raison pour laquelle nous favorisons les dialogues avec tous, croyants ou non, avec les différentes théologies, les arts, les sciences, la culture et, de façon plus générale, ce qui fait notre monde.
  2. La vocation de l’homme à la liberté
    Nous comprenons l’Évangile de Jésus-Christ qui résonne dans les textes bibliques comme un appel à la liberté.
    En valorisant l’individu, nous portons un regard positif sur l’humain et sur sa capacité à agir, entreprendre, prendre sa part dans la construction d’une société plus juste, plus harmonieuse. Nous croyons que Dieu libère notre énergie créatrice en nous libérant des intégrismes, des démagogies et des tyrannies religieuses.
  3. La constante nécessité d’une critique réformatrice
    En encourageant chacun à penser ce qu’il croit, nous refusons le divorce entre la réflexion et la spiritualité. Les textes bibliques sont le produit de contextes particuliers et n’apportent pas des réponses toutes faites aux questions d’aujourd’hui : ils sont à interpréter.
  4. La valeur relative des institutions ecclésiastiques
    Les Églises, en tant qu’institutions, sont utiles pour aider chacun à forger ses convictions, mais elles n’ont pas à imposer des normes de croyance ou de comportement. Elles ont pour fonction de relayer l’effort de Dieu de nous rendre plus humains.
  5. Notre désir de réaliser une active fraternité entre les hommes et les femmes qui sont toutes et tous, sans distinction, enfants de Dieu
    Le service du prochain nous paraît toujours supérieur à l’exactitude des discours sur Dieu. Le prochain n’est pas celui qui est proche de nous mais celui dont Dieu nous rend proche.
Manière d’être

Nous sommes des croyants optimistes. Si nous n’ignorons rien des tragédies contemporaines et voulons agir à notre niveau pour qu’elles n’aient pas le dernier mot de l’histoire, nous n’en demeurons pas moins des êtres joyeux, faisant nôtre le mot d’ordre biblique « soyez toujours joyeux, priez sans cesse ! »

Nous voulons être une école de la tolérance : nous ne condamnons pas ce qui nous est étranger et nous reconnaissons la valeur de l’autre. Nous ne faisons pas de la religion la réalité dernière des êtres et des choses : nous croyons que Dieu renvoie à une réalité qui n’est pas religieuse, car Dieu n’est pas la « chose » des religions, et qui enrichit notre existence de nouvelles possibilités.

  •  Être attentifs aux questions d’aujourd’hui plutôt qu’aux réponses d’hier.
  •  Actualiser l’expression de la foi chrétienne face aux stéréotypes sur le religieux et innover dans le champ théologique pour stimuler l’ensemble des religions.
  •  Favoriser le dialogue entre les religions et l’athéisme, avec les cultures contemporaines, au lieu de se résigner à un choc des cultures.
  •  Traduire l’espérance chrétienne par un engagement au sein de la société.

Voir de-même :


Notes de bas de page

  1. Voir A propos du témoignage intérieur du Saint-Esprit – Jean-Daniel Benoît ↩︎
  2. L’expression n’est pas de moi… Je l’ai vraiment entendue dans la bouche du professeur Laurent Gagnebin tandis que j’étais étudiant à l’IPT de Paris dans les années 2000. ↩︎
  3. Voir [wiki] Cette citation se trouve au début du Proslogion d’Anselme de Cantorbéry. Elle se réfère à une phrase d’Augustin d’Hippone : Crede ut intellegas, littéralement « Crois afin de comprendre ». Pour Augustin, il est nécessaire de croire en quelque chose pour connaître quoi que ce soit sur Dieu.
    Anselme confronte cette idée à son inverse, Intellego ut credam (« Je pense afin de croire »), quand il écrit Neque enim quaero intelligere ut credam, sed credo ut intelligam (« Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, mais je crois afin de comprendre »). Il ajoute : « Car je crois ceci : à moins que je ne croie, je ne comprendrai pas. »
    Cette approche est souvent associée à une autre formule d’Anselme, Fides quaerens intellectum (« la foi cherche la compréhension »).
    Le principe du Credo ut intelligam s’oppose à celui du Credo quia absurdum (« Je crois parce que c’est absurde »), attribué à Tertullien, et pose l’une des bases de la scolastique. ↩︎
  4. Certaines paroisses de l’EPUDF se reconnaissent de manière plus ou moins officielle dans la théologie exprimée dans cette revue, là où d’autres (la plupart même) ne s’y reconnaissent pas, ou pas forcément. Voir par exemple pour les églises ouvertement libérales : l’église de l’Etoile, l’Oratoire du Louvre, Le foyer de l’âme, à Paris, etc. L’EPUDF est pluraliste, et il coexiste donc en son sein des théologies très différentes, voire opposées. Les Attestants représentent l’aile la plus « conservatrice » dirons nous. ↩︎

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