L’interprète classique et l’interprète rationaliste – Pierre Marcel

Pierre Marcel : Face à la critique, Jésus et les Apôtres – Esquisse d’une logique chrétienne, La Revue Réformée (Supplément au N° 147-1986/3), pp. 168s. [Paru aussi aux Editions Labor et Fides] – Annexe IV : L’interprète classique et l’interprète rationaliste

Voir de-même :
Recension par le pasteur Vincent Bru
Chapitre VIII : Le « christianisme » à la dérive

Ce tableau est une « adaptation » des pages 27 et 28 du livre d’Armand ORY, A. ORY, Éditeur, 3860 Saint-Trond, O.E.I.L. 1984, avec Imprimatur intitulé : Retrouver l’historicité des Évangiles : une initiation à l’exégèse fonctionnelle, dont nous n’avons eu connaissance qu’une fois achevée la rédaction de ce volume. Les « applications » d’Armand Oory sont un vivant commentaire de notre conclusion : la sagesse de ce monde servie par une logique profane se présente elle-même comme une logique de non-sens.

Au terme de cette étude, dessinons les profils de l’ « exégète classique »1 et de l’ « exégète rationaliste » ou hyper-scientifique. Chacun d’eux a fait son propre choix : ce choix est prédéfini et forme de chaque côté un système harmonieux.

L’EXEGETE RATIONALISTE – L’EXEGETE CLASSIQUE

L’exégète rationaliste, s’appuyant surtout sur l’expérience et semblant négliger la révélation, conçoit la connaissance comme une valeur subjective et aime à considérer la vérité comme liée à la culture et sujette à des changements.

L’exégète classique, s’appuyant surtout sur la révélation, ne méprise pas une sérieuse expérience et conçoit comme atteignant la réalité. Il considère la vérité comme permanente, même si elle doit être adaptée accessoirement à l’évolution.

L’exégète rationaliste : La foi est pour lui un travestissement de la réalité, et l’Évangile une projection de la foi primitive. L’occupation principale de l’exégète est démythologiser parce qu’il y a une grande différence entre le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi.

L’exégète classique : La foi donne une certitude des choses invisibles et l’Évangile est une relation de la réalité, un témoignage de ce que Jésus a dit et fait.

L’exégète rationaliste : Jésus n’est pas Dieu, mais un homme en relation spéciale avec Dieu.

L’exégète classique : Le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi sont pour lui une même personne. Jésus est vrai Dieu, l’égal du Père céleste.

OU PLUS SIMPLEMENT

L’exégète hyper-scientifique se veut tout d’abord un homme de science.

L’exégète classique, par contre, se veut un homme de foi.

Le rationaliste semble convaincu qu’il ne peut remonter en amont du fleuve plus loin que la croyance de l’Église primitive, où il se sait bloqué.

Le classique, par contre, est certain de pouvoir encore dépasser la foi de l’Église, jusqu’à la réalité de la personne de Jésus, de ses paroles et de ses actes.

Le rationaliste lit l’Évangile comme un récit allégorique.

Le classique lit l’Évangile comme un récit tautérique : il croit qu’il y a identité entre intention et expression (tauto agoreuein).

Le rationaliste s’arrête à la lecture symbolique.

Le classique s’arrête à la lecture littérale.

Le rationaliste semble rejeter l’ordre surnaturel.

Le classique l’admet.

Pour « croire », le rationaliste n’a pas besoin d’un fondement dans la réalité.

Le classique, par contre, estime la fidélité historique une condition sine qua non de sa foi.

Le rationaliste est à l’affût de belles leçons, cachées dans les récits.

Le classique, par contre, s’intéresse surtout aux faits cachés derrières ces récits, aussi bien naturels que surnaturels.

Le rationaliste classe la plupart des récits – tous les surnaturels – parmi les genres poétiques : légende, conte de fée, nouvelle, mythe, parabole…

Le classique, par contre, les classe – aussi les récits surnaturels – parmi les relations historiques.


  1. C’est nous qui soulignons (en gras). ↩︎

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