Institution Chrétienne – Commentaire (Pasteur Vincent Bru)

Institution Chrétienne [wiki]

Le version retenue est celle en français modernisé, réalisée par Marie de Védrines et Paul Wells pour les éditions Kerygma.

Il s’agit de mes notes de lecture personnelles sur cet ouvrage fondamental du Réformateur français Jen Calvin, chapitres par chapitres. Ici, je m’attache à l’essentiel, de telle sorte qu’en lisant ces notes, vous puissiez avoir comme un résumé de la pensée du Réformateur, et que cela vous donne envie de le lire directement. Ces notes se veulent pédagogiques, didactiques. Le but est d’en faciliter la lecture (de l’ICI), et de l’encourager aussi.

Cette page se trouve dans la catégorie « Catéchèse » et non pas « Position théologique », parce que l’intention de Calvin en rédigeant l’IC a été précisément de catéchiser les fidèles, tous les fidèles, de les instruire dans la vraie foi, en nourrissant leur piété, autant que leur intelligence. C’est à certains égards une sorte de catéchisme pour adultes. On peut lire l’IC comme on lit un recueil de méditations… Afin de trouver dans la communion retrouvée avec Dieu la consolation et l’assurance dont nous avons besoin dans ce monde, et parvenir ainsi, dans la fidélité de la foi, jusqu’au bout de notre course chrétienne, selon les propres mots de l’apôtre Paul :

« 13Frères, je ne pense pas l’avoir saisi; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, 14je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ. »

Philippiens 3.13-14 (LSG)

A certains égards l’IC est une œuvre de piété, à la différence de bon nombre de théologies systématiques d’aujourd’hui qui sont trop souvent desséchantes et si peu édifiantes ! C’est une théologie biblique, résolument biblique, qui cherche la cohérence, mais pas à n’importe quel prix. Chez Calvin, la raison humaine doit accepter de se soumettre à la logique divine. Comme le dit le livre du Deutéronome :

« Les choses cachées sont à l’Éternel, notre Dieu ; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi. »

Deutéronome 29.29 (LSG)

Il est impératif de comprendre cela. Calvin n’est ni un fidéiste1, ni un rationaliste2. Il fait sienne la devise de Saint Anselme qu’il reprend de Saint Augustin : Fides quaerens intellectum (en français : « la foi cherchant l’intelligence »). Ou encore Credo ut intelligam3 : « Je crois afin de comprendre » !

Qui plus est, pour Calvin la connaissance de Dieu ne nous est pas donnée pour satisfaire notre curiosité, notre orgueil, mais afin de nous apprendre à mieux l’aimer, et de nous rendre capable de l’honorer et de le glorifier. Il s’agit d’aimer Dieu de toute sa pensée, de toute son intelligence, comme aussi de tout son cœur, de toute sa force, de toute son âme, autrement dit de tout son être, conformément au grand commandement (Matthieu 22.37), et ensuite seulement, et fort de cet amour, d’aimer notre prochain comme nous-mêmes.

C’est aussi ce qui ressort de l’introduction de son catéchisme, le Catéchisme de Genève. Connaître Dieu afin de l’honorer et de trouver en lui notre souverain bien. Nous retrouvons ici l’un des accents principaux de la Réformation avec ses cinq Sola, dont le plus important peut-être, le Soli Deo Gloria, à Dieu seul la gloire !

On peut aussi lire l’IC en parallèle de la Confession de foi de La Rochelle (ou Gallicana), qui est pour l’essentiel de la plume de Calvin, et dont vous trouverez deux brillants exposés sous la forme de fichiers audio (MP3) sur les pages consacrées à Pierre Courthial et à Jean-Marc Daumas ou encore dans la page qui lui est consacrée.

Pour revenir à l’IC, nous verrons dans mes notes de lecture à quel point la théologie de l’Alliance est omniprésente dans la pensée de Calvin, ainsi que la notion très importante d’accommodatio Dei. L’idée maîtresse c’est que si nous connaissons Dieu, c’est uniquement parce qu’il a bien voulu se faire connaître à nous dans sa révélation écrite infaillible (les théologiens réformés subséquents parleront d’inspiration verbale et propositionnelle pour définir cette infaillibilité ou inerrance de la Bible) – tout comme aussi en Jésus-Christ, le Verbe incarné -, accommodée à notre capacité. Sans le secours de la révélation, tout ce que nous pouvons penser par nous-mêmes au sujet de Dieu « n’est que folie » (l’expression est de Calvin) ! Calvin insiste beaucoup sur ce point. La Chute a aussi eu des effets noétiques, sur notre intelligence (et pas uniquement sur notre volonté), de sorte que celle-ci n’est plus capable d’avoir de Dieu une droite connaissance, sans le secours de l’Écriture Sainte. La théologie naturelle – la théologie réformée parle à cet égard de la révélation générale de Dieu et de la grâce commune, et Calvin du sensus divinitatis et de la semen religionis, le sens de la divinité et la semence de religion qui résident en tout homme – est vouée à l’échec. Elle ne peut être qu’un tâtonnement imprécis autant qu’indécis, qui prépare néanmoins, avec ses parcelles de vérités, à la réception de la révélation spéciale de Dieu dans sa Parole, la Bible, qui seule permet d’acquérir le degré de certitude auquel nous aspirons tous eu égard à la connaissance de Dieu et de la vérité. La foi a besoin d’un fondement solide. Calvin trouve ce fondement dans la Parole écrite de Dieu, en dehors duquel aucune connaissance vraie et ferme n’est possible : Sola et Tota Scriptura !

Je ne saurais trop insister là-dessus : Calvin est un théologien qui a le sens de Dieu, de la grandeur de Dieu, de la souveraineté de Dieu. C’est en cela qu’il est à mes yeux le plus grand théologien dans toute l’histoire de l’Église, avec aussi Saint Augustin, l’auteur de La Cité de Dieu. Tels sont les deux plus grands, parce qu’ils ont su mettre leur haute intelligence, régénérée par le Saint Esprit, au service de la Parole de Dieu : Dei verbi ministers, ministres du Verbe de Dieu, de la Parole de Dieu, humblement.

Il y a une vocation spécifique de théologien, et n’est pas théologien qui veut. Plus exactement n’est pas bon théologien qui veut. C’est un don du ciel.

L’IC se divise comme suit, selon les subdivisions de Calvin lui-même :

  • Premier livre : La connaissance de Dieu comme créateur et comme souverain gouverneur du monde
    • Chapitre premier. Connaître Dieu et nous connaître relèvent d’une même démarche p. 3
    • Chapitre ii. La connaissance de Dieu : sa nature et sa raison d’être 6
    • Chapitre iii. La connaissance de Dieu est naturellement enracinée
    • dans l’esprit des hommes 9
    • Chapitre iv. Cette connaissance de Dieu est étouffée ou corrompue en partie par l’ignorance, en partie par la méchanceté des hommes 12
    • Chapitre v. La puissance de Dieu brille dans la création et dans le gouvernement permanent du monde 16
    • Chapitre vi. L’Écriture doit être notre guide et notre règle pour parvenir au Dieu créateur 31
    • Chapitre vii. L’Écriture doit être confirmée par le Saint-Esprit pour que son autorité soit certaine 36
    • Chapitre viii. Il existe des preuves suffisantes, pour la raison humaine, de la véracité de l’Écriture 43
    • Chapitre ix. Comment certains esprits déréglés s’écartent de l’Écriture sous prétexte de révélations du Saint-Esprit 53
    • Chapitre x. L’Écriture oppose le vrai Dieu aux idoles païennes afin de supprimer toute superstition 57
    • Chapitre xi. Donner une figure visible à Dieu n’est pas licite. Ceux qui se font des images sont en révolte contre le vrai Dieu 61
    • Chapitre xii. Dieu écarte les idoles et veut être servi lui seul 76
    • Chapitre xiii. L’Écriture enseigne dès la création du monde que l’essence de Dieu comprend trois Personnes 80
    • Chapitre xiv. Par la création du monde et de toutes choses, l’Écriture distingue le vrai Dieu des faux dieux 114
    • Chapitre xv. Comment était l’homme lors de sa création 134
    • Chapitre xvi. Dieu a créé le monde par sa puissance, il le gouverne et l’entretient par sa providence 147
    • Chapitre xvii. Quel est le but de cette doctrine afin d’en faire notre profit 160
    • Chapitre xviii. Dieu reste saint en se servant des méchants pour accomplir sa volonté 177
  • Deuxième livre : La connaissance de Dieu comme rédempteur en Jésus-Christ, ce qui a été connu, d’abord, des Pères sous la Loi et qui, depuis, nous a été manifesté dans l’Évangile
    • Chapitre premier. Par la chute et la révolte d’Adam, tout le genre humain est déchu de sa condition créée et a été asservi à la malédiction. Le péché originel 189
    • Chapitre ii. L’homme est maintenant dépouillé du libre arbitre et assujetti au mal 201
    • Chapitre iii. La nature corrompue de l’homme ne produit rien qui ne mérite la condamnation 231
    • Chapitre iv. Comment Dieu travaille dans le cœur des hommes 250
    • Chapitre v. Les objections avancées pour défendre le libre arbitre sont sans valeur 258
    • Chapitre vi. L’homme perdu doit chercher sa rédemption en Jésus-Christ 281
    • Chapitre vii. Le peuple ancien a reçu la Loi, non pas pour être bridé, mais afin de nourrir son espérance de salut en attendant la venue de Jésus-Christ 288
    • Chapitre viii. La Loi morale : les Dix Commandements 306
    • Chapitre ix. Les Juifs ont connu Christ sous la Loi, mais il ne leur a été pleinement révélé que par l’Évangile 360
    • Chapitre x. La ressemblance entre l’Ancien et le Nouveau Testament 366
    • Chapitre xi. La différence entre les deux Testaments 386
    • Chapitre xii. Jésus-Christ devait être fait homme pour accomplir son office de Médiateur 401
    • Chapitre xiii. Jésus-Christ a revêtu une nature humaine véritable 412
    • Chapitre xiv. Les deux natures dans la seule personne du Médiateur 420
    • Chapitre xv. Pour savoir pourquoi Jésus-Christ a été envoyé par le Père et ce qu’il nous a apporté, il faut considérer trois choses : son office de prophète, de roi et de sacrificateur 432
    • Chapitre xvi. Jésus-Christ s’est acquitté de l’office de Médiateur pour acquérir notre salut : sa mort, sa résurrection, son ascension 441
    • Chapitre xvii. Jésus-Christ nous a vraiment mérité la grâce de Dieu et le salut 465
  • Troisième livre : La manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, quels sont ses fruits pour nous et quels sont ses effets
    • Chapitre premier. Ce qui a été dit de Jésus-Christ nous profite par l’opération secrète du Saint-Esprit 475
    • Chapitre ii. La foi. Sa définition et ses particularités 481
    • La nature et les aspects de la foi 481
    • Chapitre iii. Nous sommes régénérés par la foi : la repentance 530
    • Chapitre iv. Ce que les théologies scolastiques racontent sur la pénitence est loin de la pureté de l’Évangile. Discussion de la confession et de la satisfaction 558
    • Chapitre v. Les suppléments que les catholiques romains ajoutent aux satisfactions : les indulgences et le purgatoire 603
    • Chapitre vi. La vie du chrétien. Tout d’abord, quels sont les arguments de l’Écriture pour nous y exhorter 617
    • Chapitre vii. Le principe fondamental de la vie chrétienne : le renoncement à soi-même 623
    • Chapitre viii. Souffrir patiemment la croix : un aspect du renoncement 635
    • Chapitre ix. Méditation sur la vie à venir 645
    • Chapitre x. Comment user de la vie présente 652
    • Chapitre xi. La justification par la foi – La définition du mot et de la chose 658
    • Chapitre xii. Pour être convaincu de la justification gratuite, il faut se placer dans le contexte du jugement de Dieu 685
    • Chapitre xiii. Deux choses sont à considérer dans la justification gratuite 694
    • Chapitre xiv. Le commencement de la justification et ses progrès constants 700
    • Chapitre xv. Ce qui est dit pour magnifier les mérites détruit la louange de Dieu et la certitude du salut 720
    • Chapitre xvi. Les critiques de la doctrine de la justification par la foi seule729
    • Chapitre xvii. La concordance des promesses de la Loi et de l’Évangile 735
    • Chapitre xviii. Il est incorrect de penser que nous sommes justifiés par les œuvres, parce que Dieu leur donne une récompense 754
    • Chapitre xix. La liberté chrétienne 767
    • Chapitre xx. La prière, le principal exercice de la foi par lequel nous recevons quotidiennement les bienfaits de Dieu 784
    • Chapitre xxi. L’élection éternelle : Dieu a prédestiné les uns au salut et les autres à la condamnation 853
    • Chapitre xxii. Confirmation de l’élection éternelle par les témoignages de l’Écriture 865
    • Chapitre xxiii. La réfutation des critiques formulées contre la doctrine de l’élection 880
    • Chapitre xxiv. L’élection est confirmée par la vocation de Dieu ; à l’inverse les réprouvés attirent sur eux la perdition juste à laquelle ils sont destinés 898
    • Chapitre xxv. La résurrection finale 921
  • Quatrième livre : Les moyens extérieurs, ou aides, dont Dieu se sert pour nous conduire à Jésus-Christ son Fils et pour nous garder en lui
    • Chapitre premier. La vraie Église à laquelle nous devons rester unis, parce qu’elle est la mère de tous les croyants 945
    • Chapitre ii. Comparaison de la fausse Église avec la vraie 974
    • Chapitre iii. Les docteurs et ministres de l’Église, leur élection et leur office 986
    • Chapitre iv. La condition de l’Église ancienne, et comment elle était gouvernée avant la papauté 1001
    • Chapitre v. La forme ancienne du gouvernement de l’Église a été renversée par la tyrannie de la papauté 1016
    • Chapitre vi. La primauté du Siège romain 1033
    • Chapitre vii. L’origine et le développement de la papauté. Comment elle est arrivée à sa grandeur actuelle et comment la liberté et l’égalité ont été compromises 1048
    • Chapitre viii. Le pouvoir de l’Église pour déterminer les articles de foi. Ce pouvoir a été remis à la papauté qui a porté atteinte à la pureté de la foi 1078
    • Chapitre ix. Les conciles et leur autorité 1094
    • Chapitre x. Le pouvoir de l’Église de faire et de mettre en place des lois, et la tyrannie du pape 1107
    • Chapitre xi. Les lois de l’Église et les abus de la papauté 1137
    • Chapitre xii. La discipline de l’Église, les censures et l’excommunication 1154
    • Chapitre xiii. Les vœux. Faits à la légère, ils ont entraîné une grande misère 1179
    • Chapitre xiv. Les sacrements en général 1202
    • Chapitre xv. Le baptême 1229
    • Chapitre xvi. Le baptême des enfants convient à l’institution du baptême par Jésus-Christ et à la nature du signe 1249
    • Chapitre xvii. La sainte cène de Jésus-Christ ; ce qu’elle nous apporte 1281
    • Chapitre xviii. La messe romaine : une déformation qui profane et abolit la cène du Seigneur 1345
    • Chapitre xix. Les cinq autres cérémonies qu’on a appelées « sacrements » dans le catholicisme romain. Comment il faut les considérer 1364
    • Chapitre xx. Le gouvernement civil 1399

  1. Fidéiste se dit d’une personne qui pense que sa foi ne repose sur aucuns arguments rationnels. Le fondement de la foi, c’est la foi. A ce titre, un fidéiste n’a pas peur des oppositions entre le foi et la raison. La plupart des théologiens libéraux naviguent entre le fidéisme et le rationalisme… Calvin n’est ni l’un, ni l’autre ! ↩︎
  2. Rationaliste se dit d’une personne qui fait reposer sa foi uniquement sur les lumières de la raison humaine. Il ne supporte pas les contradictions. Il cherche à tout comprendre et vise la cohérence absolue. Le problème c’est qu’il y a beaucoup d’enseignements dans la Bible qui échappent aux limites de la raison (la Trinité, la double natures du Christ, la Prédestination en un sens, etc.). Calvin se défend d’être un rationaliste, sans pour autant exclure une recherche rationnelle, intelligente, et qui s’efforce à la cohérence, de la Foi. ↩︎
  3. [wiki] Cette citation se trouve au début du Proslogion d’Anselme de Cantorbéry. Elle se réfère à une phrase d’Augustin d’Hippone : Crede ut intellegas, littéralement : « Crois afin de comprendre ». Pour Augustin, il est nécessaire de croire en quelque chose pour connaître quoi que ce soit sur Dieu.
    Anselme confronte cette idée à son inverse, Intellego ut credam (« Je pense afin de croire »), quand il écrit Neque enim quaero intelligere ut credam, sed credo ut intelligam (« Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, mais je crois afin de comprendre »). Il ajoute : « Car je crois ceci : à moins que je ne croie, je ne comprendrai pas. » Cette approche est souvent associée à une autre formule d’Anselme, Fides quaerens intellectum (« la foi cherche la compréhension »). Le principe du Credo ut intelligam s’oppose à celui du Credo quia absurdum (« Je crois parce que c’est absurde »), attribué à Tertullien, et pose l’une des bases de la scolastique. ↩︎