Fleurs de Lys

Position royaliste

Le royalisme est peut-être d’abord et avant tout une esthétique du pouvoir, une manière belle et noble et de concevoir l’exercice du pouvoir politique, par-delà les magouilles politiciennes, la politique politicienne, des querelles partisanes.

Le Roi est un symbole fort. Il représente et garantie à la fois l’unité de la nation, qu’il inscrit dans la longue durée par un jeu d’alliance naturelle et familiale : on peut ainsi parler de la structure alliancielle (foedus en latin) de la royauté.

Le Roi est au-dessus des partis, et à ce titre il peut pleinement assumer son rôle d’arbitre puisqu’il tient sa légitimité de quelque chose qui transcendent le jeu des contingences humaines, et dont le point d’appui se situe dans un ailleurs revêtu à la fois d’autorité et de mystère, de grandeur et de gloire (la monarchie « de droit divin », l’hérédité, l’histoire, etc.) : ses intérêts personnels se confondent ainsi avec ceux de la nation, et réciproquement. A ce titre, il est élevé dès son plus jeune âge, pour servir ; il sert de référent éthique, d’exemple moral, de repère social (la famille royale), quand bien même aucun système n’est à l’abri de la corruption (despotisme), certains plus que d’autres, cela dit.

Le Roi règne sur ses royaumes, ses sujets, plutôt qu’il ne les gouverne… Dans les monarchies constitutionnelles modernes on dit même qu’il « règne mais ne gouverne pas » – on parle de « monarchie parlementaire » où les pouvoirs sont détenus par le Roi et le Parlement, et où le monarque a surtout un rôle représentatif -, comme c’est le cas par exemple du Roi d’Angleterre. On peut aussi concevoir qu’il puisse faire les deux – régner et gouverner – comme avec la monarchie absolue ou un mixte des deux. Il existe plusieurs manière de concevoir le royauté, qui sait aussi s’adapter quand il le faut.

Est-il nécessaire de préciser que la royauté n’empêche pas un pouvoir décentralisé ni une démocratie locale et participative (comme c’était d’ailleurs le cas au Moyen Âge contrairement à ce que l’on pourrait penser) ? Il va de soi que même dans le cas de la monarchie absolue où le roi conjugue les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ou mixte (pouvoir limité à l’un ou l’autre de ces trois-là) celui-ci reste limité par les lois du royaume contre lesquelles il ne saurait aller.

Faut-il ajouter que la royauté est le modèle de gouvernement par excellence dans la Sainte Écriture ? La royauté est un attribut de Dieu dans la Bible hébraïque – roi, royauté, règne, royaume se rattachent à la même racine hébraïque MLK, qui signifie « délibérer », « décider » -, Jésus-Christ nous étant présenté comme le « Roi des rois, et le Seigneurs des seigneurs » dont le règne n’aura pas de fin (Psaume 2 ; 1 Timothée 6.15 ; Apocalypse 19.16 ; 17.14 ; etc.).

En France, il existe deux mouvements opposés sur la question de l’héritier légitime au Trône de France : les orléanistes et les légitimistes. Pour faire simple, et sans chercher ici à prendre partie, il y a d’un côté la Maison d’Orléans, dont le représentant est le descendant du frère cadet de Louis XIV, tous deux fils de Louis XIII (voilà pour les orléanistes), de l’autre, la Maison de Bourbon, dont le représentant est le descendant de Louis XIV (les légitimistes). Pour le premier de ces deux mouvements, on parle plus exactement de l’orléanisme-fusionniste (depuis 1883), qui désigne les partisans de la maison d’Orléans qui la considèrent comme héritière des rois de France, à la suite du décès du comte de Chambord, dernier représentant de la branche aînée des Bourbons, et des renonciations supposément faites par le duc d’Anjou lors des traités d’Utrecht de 1713, auteur de la deuxième branche des Bourbons toujours subsistante. Cette division entre ces deux mouvements est bien évidemment regrettable, mais peut-être pas insurmontable ?

Rappelons aussi que le Général de Gaulle n’était pas opposé à la restauration de la monarchie et qu’il y était même favorable comme l’atteste sa correspondance avec le Comte de Paris. Ce n’est donc pas une idée aussi saugrenue que cela…

Protestant et royaliste ?

Il faut savoir qu’il y a une longue tradition de protestants royalistes, comme l’atteste, par exemple, au début du siècle dernier, l’existence de l’association Sully (1925-1939)1, nommée ainsi en hommage à Maximilien de Béthune, duc de Sully et ministre de Henry IV, et dont ont été membres notamment Auguste LecerfNoël VesperHenri Boegner (frère du célèbre Marc Boegner), Pierre Courthial, Louis Dupin de Saint-André, Roland Jeanneret, le général Abel Clément-Grandcourt, Roger Boutitie, Philipe Secrétan, Amaury de Seynes, Hugues de Cabrol, Pierre Guiminal et, de manière éphémère, Roland de Pury2. Mentionnons aussi l’Union des Protestants Monarchistes, fondée en 1946 et dissoute dans les années 50, et plus récemment l’Association des Réformés Royalistes fondée par le pasteur Jean-Marc Daumas de Cornilhac et moi-même.

Il faut aussi savoir qu’aujourd’hui, presque tous les pays qui ont à leur tête un monarque sont des pays protestants.

Pour approfondir (wikipedia) :

Ils ont dit…

Être royaliste et protestant, n’est-ce pas un peu étrange ?

« C’est parce qu’on assimile indûment protestantisme et pensée libre, pour ne pas dire libre pensée. On pense que le protestant est un petit pape, la bible à la main, qui fabrique sur ses genoux sa propre religion, qui est en politique plutôt à gauche et fondamentalement républicain. Or, il y a toujours eu une tradition monarchiste très importante chez les protestants. Aux XVIe et XVIIe siècles, le corps pastoral réformé fut toujours très fidèle au roi de France. Au XVIIe siècle, certains théologiens protestants, comme Dumoulin, écrivent même des traités sur la monarchie. Voir dans le protestantisme un ferment républicain n’est pas conforme à la réalité. Il y a une erreur que l’on commet très souvent dans les milieux royalistes, c’est que l’on voit un lien nécessaire entre monarchie et obédience catholique romaine. Il faut savoir qu’aujourd’hui, presque tous les pays qui ont à leur tête un monarque sont des pays protestants. On ne mesure pas assez cela. L’Angleterre, la Suède, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas sont des royaumes où la population est essentiellement protestante. Seules la Belgique, avec une constitution très récente (1830), et l’Espagne, depuis peu, sont des royaumes à majorité catholique romaine. Il n’y a donc pas d’incompatibilité essentielle entre ma foi protestante et la monarchie. »

Jean-Marc Daumas, « La fidélité des Huguenots »

« La monarchie est un système politique qui a produit, entre autres, la civilisation égyptienne, la culture perse, la Grèce archaïque, l’empire romain (conservé pendant mille ans de plus sous la forme régénérée de Byzance), inspiré l’Israël de l’Ancien Testament, les Incas, les Chinois, les Turcs, les Japonais, fondé la Russie et la France, fécondé les arts et les lettres, érigé les plus superbes monuments sous toutes les latitudes et les longitudes. »

Vladimir Volkoff

« La Royauté est un humanisme, non pas abstrait mais vivant car c’est le seul système de gouvernement qui fasse passer ouvertement l’homme avant les institutions. Pour tabler sur la primogéniture plutôt que sur la masse aveugle des suffrages, il faut une forte dose de foi en l’homme. C’est préférer l’individu incarné à ses qualités hypothétiques. C’est admettre qu’une chose aussi sérieuse que le gouvernement puisse se fonder sur le plus incertain et souvent le moins fondé des sentiments ; l’amour humain, un amour, de surcroît, posé par définition comme mutuel. Comme on est loin de la dictature totalitaire où chacun doit non seulement agir mais penser selon une norme. »

Vladimir Volkoff
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Bibliographie :

  • Eugène Kuhlmann, Ce que pourra être la royauté restaurée, Colmar, Editions de l’Association Sully, 1930, 28 p.
  • Alfred Henry Chaber, Alfred-Henry Chaber. L’Association Sully, sa doctrine, son but, ses réponses à quelques objections, Groupe du Bas-Languedoc de l’Association Sully, 1932.
  • Jacques De Missècle, Les Huguenots et la monarchie au XVIe siècle.
  • Marthe Nougier, Les Protestants et le roi au XVIIIe siècle.
  • Étienne de SeynesProtestantisme et Monarchie au XIXe siècle.
  • Noël VesperProtestantisme ou Démocratie.
  • Samuel M. Osgood, French Royalism Since 1870, 1970, p. 187.
  • François-Marin Fleutot et Patrick Louis, Les royalistes, enquête sur les amis du Roi aujourd’huiAlbin Michel, 1989, p. 175 à 178.
  • Patrick Louis, Histoire des royalistes, de la Libération à nos jours, Jacques Grancher, 1994.
  • Patrick Cabanel, Les protestants et la République : de 1870 à nos jours, 2000 (ISBN 978-2-87027-780-5).
  • André Encrevé, « Right wing among French Protestants (1900-1944), with special Reference to the Association Sully by Grace Davie », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, vol. 137,‎ octobre-décembre 1991, p. 654-656 (lire en ligne [archive], consulté le ).
  • André Encrevé, « Les milieux protestants et l’Action française, Comment peut-on être protestant et royaliste au temps du Front populaire ? », dans, Michel Leymarie et Jacques PrévotatL’Action française, culture, société, politique, 2008, p. 173-184, [lire en ligne [archive]].
  • Pierre-Yves Freychet, « Sully (1933-1944). Analyse politique d’un périodique protestant et monarchiste », dans André Encrevé & Jacques Poujol, Les Protestants français pendant la seconde guerre mondiale. Actes du colloque de Paris, Palais du Luxembourg, 19-21 novembre 1992, Paris, Société de l’histoire du protestantisme français, 1994, p. 469-478.

Études universitaires :

  • Cédric Tartaud-Gineste, Les Protestants royalistes en France au xxe siècle, doctorat, sous la direction de Jean-Pierre Chalineuniversité Paris-Sorbonne, 2003.
  • Yves Freychet, « Sully », analyse politique d’un périodique protestant et monarchiste (1933-1944), sous la direction de Pierre Bolle et Jean Godel, 1980.
  • Grace DavieRight Wing Politics among French Protestants (1900-1944), with special reference to the Association Sully, doctorat, London School of Economics, 1975.

Études divers :

Archives :


  1. Le pasteur royaliste Jean-Marc Daumas qualifie l’Association Sully de trop « doctrinaire » en comparaison à l’Union des protestants monarchistes, qui lui succédera, dans l’après guerre. Cf. François-Marin Fleutot et Patrick Louis, Les royalistes, enquête sur les amis du Roi aujourd’hui, p179. Je cite : « L’Association Sully, qui était proche de l’Action française de Charles Maurras, a fait paraître à partir de 1933 un bulletin. Elle essayait de regrouper les protestants monarchistes autour de personnalités théologiques comme Auguste Lecerf, ou d’écrivains protestants comme Noël Vesper. Il me semble avoir compris que cette association est devenue pétainiste durant la guerre et a suivi le maréchal dans son discrédit. Juste après la guerre, s’est créée une Union de protestants monarchistes qui faisait paraître une revue relativement ouverte. Elle semblait assez proche des organisations que le Comte de Paris essayait de mettre sur pied. Elle a disparu dans les années 50. A la lecture de la revue, il apparaît qu’elle regroupait de nombreux fidèles et pasteurs des églises protestantes, réformées ou luthériennes. Elle était beaucoup moins doctrinaire que l’Association Sully. » ↩︎
  2. Si certains membres de l’association Sully ont pu parfois se compromettre avec le pouvoir en place, dans ces années extrêmement troubles de la 1ère Guerre mondiale, il est à noter qu’un grand nombre d’entre eux se sont illustrés en tant que résistants de la première heure, comme le pasteur Auguste Lecerf et Roland de Pury. Cf. Hilaire, Yves Marie, Mayeur, Jean Marie, et Encrevé, André, 1942-, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine. 5, Les Protestants, Beauchesne, 1993 (ISBN 2-7010-1261-9 et 978-2-7010-1261-2OCLC 28358952lire en ligne [archive]) ; « Auteur : Roland de Pury, LaProcure.com [archive] », sur La Procure (consulté le ). ↩︎