Matthieu 25.31-46 : Le jugement des nations – Vincent Bru (prédication)

Matthieu 25.31-46 : Le jugement des nations – Prédication du pasteur Vincent Bru

Dimanche 26 novembre 2023 – N’Djaména (Tchad)

Vous vous rappelez qu’on a parlé dimanche dernier de cette fameuse parabole des talents et du triste sort qui est réservé au troisième serviteur, celui qui, contrairement aux deux premiers qui ont su faire fructifier les biens que le maître leurs avait confiés, a enterré son talent dans un trou, celui donc qui n’a pas aimé, qui n’a pas œuvré pour le royaume, qui est resté inactif, improductif, inutile, car la foi sans les œuvres est morte, celui surtout qui n’a pas su, qui n’a pas voulu savoir que tout est grâce, mais encore faut-il se saisir de cette grâce, la faire sienne, se l’approprier !

Alors oui, de celui-ci il est dit – et le jugement peut sembler sévère ?!

« Et le serviteur inutile, jetez le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

Matthieu 25.30

Jugement dernier

Alors bien sûr on comprend tout de suite quand on lit ça, qu’avec le Seigneur, quand vient le moment du Jugement dernier, alors ça ne rigole plus, et que la vision que nous en avons parfois, notre vision du Seigneur, de Jésus-Christ n’est qu’une caricature de qui il est véritablement.

Parce que l’on se souvient du petit Jésus de la crèche de notre enfance, mais l’on oubli parfois, il faut bien l’avouer, le Christ Pantocrator, Créateur et Seigneur de l’Univers, vrai Dieu et vrai homme à la fois, à qui « tout pouvoir a été donné dans le ciel et sur la terre », selon la finale de l’évangile de Matthieu, le Christ Roi.

Nous concevons un dieu à notre image, un petit dieu, qui pense et qui raisonne de la même manière que les hommes.

Alors on s’en fait une image commode, un peu trop commode pour être le Dieu véritable, la véritable image de Dieu, car la véritable image de Dieu, c’est Jésus-Christ.

Or, c’est bien Jésus-Christ qui nous parle ici, qui nous dit qui il est et ce qu’il va faire quand le moment sera venu, c’est bien lui qui nous parle dans ces chapitres de l’évangile de Matthieu, dans ces paraboles, qui établissent bel et bien une différence radicale entre les bons et les méchants, entre les vierges sages et les vierges folles, entre les serviteurs utiles, les bons serviteurs, qui travaillent dur pour le royaume et qui font fructifier leurs talents, et le serviteur inutile, infidèle, mauvais, qui n’a pas sa place dans le royaume des cieux.

Ce Jésus-Christ qui est amour, qui nous a montré l’exemple en lavant les pieds de ses disciples, qui a donné sa vie par amour pour nous, pour nous délivrer de l’esclavage du péché, ce même Jésus-Christ est aussi, il ne faut surtout pas l’oublier, le « Roi des rois et le Seigneur des seigneurs », comme aussi notre souverain Juge, le Juge des nations, quand le moment sera venu.

Certes, il est déjà là, maintenant, aussi, le Roi et le Juge, mais il est d’abord, aujourd’hui, le Sauveur, tandis que quand il reviendra dans sa gloire, alors là, il sera le Juge de tous. Point fini.

« Il viendra de là pour juger les vivants et les morts » !

C’est ce que nous confessons dans le Credo !

Nous vivons aujourd’hui le temps de la patience de Dieu, le temps de la grâce, du salut, du pardon, mais quand ce temps-là touchera à sa fin, alors ce sera tout autre chose, et il faudra bien que le Seigneur de l’univers exerce pleinement son office de Juge, de Roi, et non plus seulement celui de Prêtre et de Prophète.

Car en théologie classique, Jésus-Christ est bel et bien, tout à la fois Prophète, Prêtre et Roi.

Il est le souverain Prophète, qui nous révèle le Père.

Il est le souverain Prêtre, qui offre sa vie en sacrifice pour le péché.

Et il est le souverain Roi, qui règne véritablement sur l’Église, comme aussi sur le monde, et sur l’univers tout entier.

Le bon grain et l’ivraie

En tant que Juge il est écrit qu’il séparera le bon grain de l’ivraie, pour reprendre l’image de cette autre parabole que nous connaissons bien : la parabole de l’ivraie.

Il y a dans le champ de ce monde de la mauvaise herbe. Cela, nous le savons tous. Le mal existe ! Ce n’est pas une illusion.

Le mal existe d’abord en nous-mêmes, et il nous faut lutter contre lui, et il existe à l’extérieur de nous-mêmes, dans les actions mauvaises des hommes, comme aussi chez l’Ennemi de Dieu, Satan, et les démons.

Donc l’ivraie existe, dans le champ du monde. Il y a le bon grain, et l’ivraie, la mauvaise herbe.

Nous pourrions être tentés d’arracher l’ivraie, mais voilà que le Seigneur nous dit que ce n’est pas à nous de le faire, que cela lui appartient, à lui seul, et que cela se fera certainement quand il reviendra, le jour du Jugement dernier, au moment de la Parousie.

Des brebis et des boucs !

Force est de constater que ce hiatus, cette rupture entre deux catégories d’individus qui sont représentés dans notre parabole par les brebis et les boucs, ou dans cette autre parabole entre le bon grain et l’ivraie, cette opposition franche ne nous est plus si familière que cela.

Force est de constater en effet qu’il devient difficile aujourd’hui de raisonner d’une manière qui soit véritablement chrétienne, pour peu que nous n’ayons pas été correctement ni suffisamment catéchisés, évangélisés, instruits dans la foi chrétienne.

Car on nous dit, jusque dans la chanson populaire que vous connaissez sans doute, que : « Nous irons tous au paradis » !

Eh bien non ! Selon la Parole de Dieu, nous n’irons pas tous au Paradis !

Et voilà que notre parabole d’aujourd’hui vient confirmer cette grande et belle, et dure, et difficile vérité que tous ne seront pas sauvés à la fin, que tous n’hériteront pas du royaume de Dieu.

Car voici que notre texte nous parle d’un roi qui à son retour fera le tri entre les brebis et les boucs, et qu’il mettra les premiers à sa droite, et les seconds à sa gauche : ce n’est pas la même chose que d’être à la droite du Seigneur, ou bien à sa gauche ! Car des premiers il est dit qu’ils sont les « bénis de son Père » (verset 34), tandis que des seconds il est dit, je lis à partir du verset 41 :

41Retirez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. 42Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire. 43J’étais étranger, et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. 44Alors ils répondront eux aussi : Seigneur, quand t’avons-nous vu ayant faim ou soif, étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t’avons-nous pas rendu service ? 45Alors il leur répondra : En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous n’avez pas fait cela à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. 46Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle.

Vous voyez donc qu’il est question de deux choses ici, de deux possibilités quant au sort qui nous attend dans l’éternité : le châtiment éternel, ou bien la vie éternelle.

Le châtiment ou bien la vie.

C’est soit l’un, soit l’autre.

Ça ne peut pas être l’un et l’autre à la fois.

« Fils de l’homme » / « Berger »

Mais revenons au début de notre texte, les versets 31 et suivants, qui posent tout de suite le décors : Il s’agit de la Parousie, à n’en pas douter, du retour en gloire du Christ, selon sa promesse, et du Jugement dernier dont il est aussi question au chapitre 24 du même évangile, la mini Apocalypse, comme aussi bien évidemment dans l’Apocalypse de l’apôtre Jean. Je lis au verset 31 :

31 Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s’assiéra sur son trône de gloire. 32Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs, 33et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.

Le décors est donc posé : Toutes les nations de la terre sont rassemblées devant le trône du Christ, qui nous est présenté ici à la foi comme le « Fils de l’homme », nous y reviendrons, et comme « le berger du troupeau », de son troupeau, et comment ne pas penser ici à la parabole du bon berger de Jean 10 :

7 Jésus leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, moi, je suis la porte des brebis. 8Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. 9Moi, je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. 10Le voleur ne vient que pour voler et tuer et détruire ; moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance.

11 Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis.

Jean 10.7-11

Nous pensons aussi bien sûr à notre première lecture dans le livre du prophète Ézéchiel 34.11-12.15-17 [Bible de Jérusalem]

11 Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu.

Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis,

et je veillerai sur elles.

12 Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau

quand elles sont dispersées,

ainsi je veillerai sur mes brebis,

et j’irai les délivrer dans tous les endroits

où elles ont été dispersées

un jour de nuages et de sombres nuées.

15 C’est moi qui ferai paître mon troupeau,

et c’est moi qui le ferai reposer,

– oracle du SEIGNEUR Dieu !

16 La brebis perdue, je la chercherai ;

l’égarée, je la ramènerai.

Celle qui est blessée, je la panserai.

Celle qui est malade, je lui rendrai des forces.

Celle qui est grasse et vigoureuse,

je la garderai, je la ferai paître selon le droit.

17 Et toi, mon troupeau,

– ainsi parle le SEIGNEUR Dieu,

voici que je vais juger entre brebis et brebis,

entre les béliers et les boucs.

Cette image du bon berger nous est, il est vrai, familière et fort sympathique, car elle évoque la bienveillance du Seigneur envers son peuple, sa providence active, toujours agissante, jamais en sommeil, pour nous délivrer des mains de l’adversaire, des projets malveillants de tous les loups qui nous veulent du mal, qui veulent du mal à son peuple.

Il nous faut dire aussi un mot sur la figure du « Fils de l’homme » dont il est aussi question dans notre texte.

La figure du « Fils de l’homme » évoque dans les évangiles la personne même de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, mais en tant que Juge, et non pas d’abord, en tant que Sauveur.

Ici il est question du Juge.

A chaque fois qu’il est question du « Fils de l’homme », vous pouvez être assurés que « ça va chauffer » !

Car à chaque fois qu’il en est question, nous avons une description plus ou moins détaillée, comme c’est le cas notamment dans le Livre de l’Apocalypse, du Jugement dernier, c’est-à-dire du jugement des nations (Daniel 7.9-10 ; Luc 12.8 ; Marc 3.1 ; Actes 7.55-56 ; Apocalypse 1.12-19).

Or quel est selon vous le sujet de notre texte d’aujourd’hui ? Et bien, notre texte nous parle du jugement des nations, ni plus, ni moins, à la fin des temps.

Attention, il ne s’agit pas seulement ici du jugement personnel, qui nous concerne tous en tant qu’individu, bien sûr.

L’apôtre Paul ne dit-il pas que « nous comparaitrons tous devant le tribunal de Dieu ? »

2 Corinthiens 5.10, et je lis à partir du verset 9 :

9C’est pour cela aussi que nous nous efforçons de lui être agréables, soit que nous demeurions dans ce corps, soit que nous le quittions. 10Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps.

2 Corinthiens 5.10

Notez bien l’expression : « selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps » !

Comme je vous le disais tout à l’heure, quand le Fils de l’homme apparait, alors ça ne rigole pas ! On passe aux choses sérieuses.

Car l’Évangile, avec un grand E, c’est quelque chose de sérieux ! On n’est pas ici pour s’amuser, pour plaisanter, pour parler de ces choses de façon légère.

Il y a une gravité, car c’est bien de notre salut éternel qu’il est question ici !

Où passerons-nous l’éternité ? A la droite du Christ ou bien à sa gauche ? Au Paradis ? Ou bien en Enfer ?

Bien sûr l’homme moderne donne souvent l’impression de n’en avoir que faire de tout cela, tout cela qu’il considère d’ailleurs, souvent, comme des contes pour enfants.

Les athées se prennent pour des « esprits forts » : pensez donc !

« Mangeons et buvons car de main nous mourrons ! » – Vous connaissez le proverbe ?!

Manger et boire est une chose, mais le salut, la rédemption, ça c’est quelque chose !

Notre texte nous invite à nous interroger sur ce qui fait l’essence même de notre existence, ce qui lui donne un sens, un but, une direction, car nous vivons tous pour quelque chose, pour un idéal, pour un objectif que l’on cherche à atteindre.

Certains cherchent à devenir riches, toujours plus, d’autres à fonder un foyer, et c’est très bien !

D’autres encore à se réaliser professionnellement, à faire carrière, d’autres à devenir plus forts, plus musclés, plus beaux ou plus belles…

Et puis il y a ceux pour qui seuls comptent le sexe, le pouvoir et l’argent… On dit que c’est ça qui mène le monde ! Il y a du vrai là-dedans.

Mais voilà que le Christ nous parle de tout autre chose.

Nous devons ici-bas, durant notre vie terrestre qui n’est qu’un passage, éphémère, un court passage sur ce globe terrestre, dans cet univers si grand et si effrayant, nous devons nous préoccuper d’abord de l’avènement du royaume de Dieu, sans jamais chercher à faire obstacle à celui-ci.

C’est ce que nous dit notre texte, dans lequel il est question du jugements des nation en fonction de l’attitude de celles-ci vis-à-vis de l’Eglise et des chrétiens, des disciples du Christ auquel Jésus s’identifie ici :

40Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.

Matthieu 25.40

« Frères de Jésus »

Ne nous nous y trompons pas ! Si l’on s’arrête comme nous devons le faire, aux paroles du Seigneur dans notre texte, il est bel et bien question, non pas des hommes en général, dans lesquels le Christ se reconnaitrait, avec notamment les plus petits d’entre eux, les plus démunis, ceux qui souffrent, mais bien des témoins de l’Évangile, comme l’atteste l’expression qu’il ne faut pas mécomprendre « les plus petits de mes frères ».

Je lis au verset 34 et suivants :

34Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. 35Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; 36nu et vous m’avez vêtu, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus vers moi. 37Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? 38Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu ? 39Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ? 40Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait cela à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.

Matthieu 25.34-40

Il faut maintenant s’arrêter suffisamment sur cette expression dont dépend tous les sens de notre texte : « l’un de ces plus petits de mes frères ».

Une certaine vision, disons, universaliste et sans doute très généreuse voudrait que lorsque Jésus parle ici des ses frères il parle de tous ceux qui souffrent, des petits, de tous ceux qui sont victimes de l’injustice des hommes.

Alors oui il faut être de leur côté, il faut leur donner à manger s’ils ont faim et à boire s’ils ont soif, sans chercher à se détourner d’eux. C’est une vérité, aussi.

Peut-on penser ici aux Restaurants du cœur ? Ou à la Fondation de l’Abbé Pierre par exemple ? Emmaüs ? A toutes ces associations d’entraides protestantes ou autres, à toutes ces ONG qui viennent en aide aux immigrés, j’en passe et des meilleurs.

Tout ceci est très bien, car faire le bien, c’est aussi cela : prendre soin de, venir en aide à, soutenir la veuve et l’orphelin.

Pour autant, ici, notre texte ne parle pas de cette réalité là. Il parle d’autre chose.

L’expression « l’un de ces plus petits de mes frères » renvoie, exégétiquement, aux disciples du Christ.

Or il faut bien s’attacher ici à ce que Jésus dit, pas à ce que nous avons envie qu’il ait dit.

Nous devons faire de l’exégèse, pas de l’eisésèse…

Nous ne devons pas plaquer sur la Parole de Dieu nos propres idées, voire idéologies.

Vous savez que certains théologiens au siècle dernier ont cherché à réinterpréter toute la Bible à la lumière du marxisme et de la lutte des classes…

Un certain pasteur que j’ai rencontré d’ailleurs tandis que j’étais étudiant à la Faculté Jean Calvin, a même proposé une nouvelle traduction du Nouveau Testament où les disciples du Christ sont appelés « camarades »…

Les disciples sont les camarades de l’utopie communiste… mais alors, il ne s’agit plus de l’Évangile du Christ !

« Mon royaume n’est pas de ce monde » a dit Jésus.

Alors il faut bien faire attention avec nos folies !

« La sagesse de Dieu est plus sage que les hommes » dit l’apôtre Paul.

Attention avec nos prétendues sagesses qui ne sont que folies !

Écoutons Dieu, chers amis. Écoutons-le, Lui, plutôt que les prétendus sages de ce monde, selon ce monde !

Que veut dire cette expression de frère, « les plus petit de mes frères » ? Et qui sont donc ces « petits » dont Jésus parle ici ?

S’agit-il des indigents ? Des pauvres ? Les chômeurs ? Les SDF ? Les migrants ?

Ou bien petit dans le sens corporel ? Ceux qui mesurent moins d’1,50 mètre ?

Nous avons entendu mille fois ce genre d’évangile présenté à partir de la parabole du jugement des nations, en Matthieu 25 : on est sauvé si on est pauvre et opprimé… C’est Karl Marx qui l’a dit ! Alors ça doit être vrai, il doit y avoir du vrai là-dedans ?!

On connaît le refrain.

Avec une logique du même ordre — le salut par la souffrance ou par le statut social —, la personne malade, par exemple, peut être regardée comme étant au bénéfice d’une sorte d’exonération : ne doit-elle pas être d’emblée aimée, pardonnée, acceptée, sauvée ?

Je ne parle pas ici de l’empathie à laquelle, en tant que chrétiens, et même en tant qu’être humain, nous sommes tous appelés : souffrir avec ceux qui souffrent, bien sûr !

Mais il ne faut pas tout confondre !

L’Évangile ne doit pas être confondu par exemple avec l’évangile de la libération, qui consiste en une sorte de salut politique, comme si la délivrance d’une situation d’injustice sociale, de la pauvreté, de la tyrannie était le salut chrétien.

Le salut chrétien est beaucoup plus que cela !

Ce n’est pas d’abord la délivrance de l’esclavage du pays d’Égypte, mais bien d’abord et avant tout, même si pas exclusivement, la délivrance de l’esclavage du péché.

Le mal est d’abord et avant tout d’ordre spirituel et théologique et regarde notre relation avec Dieu : sommes-nous oui ou non réconciliés avec Dieu ?! Voilà la question !

Disons le tout net, le sens du mot « petit » dans la Bible n’est pas lié au physique, à l’économique, au social… mais à la situation spirituelle de l’homme devant Dieu, telle que décrite, notamment, dans les Béatitudes : le petit, c’est celui ou celle qui se met à genoux devant Dieu, dans l’humilité et la foi : « Heureux les pauvres en esprit – autrement dit ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle devant Dieu, car le royaume des cieux est à eux ! » (Matthieu 5.2)

« Les plus petits de mes frères » dit Jésus.

Dans la Bible, sont appelés « frères » ceux qui ont un même Père – les enfants de Dieu – et à part quelques cas où il est question des frères d’une même famille de sang, il n’y a pas d’exception à cette règle.

C’est là le sens de notre parabole dite « du jugement des nations », en Matthieu 25, si souvent mentionnée pour justifier on ne sait quel salut par les œuvres, et on ne sait quel christianisme social – autrement dit un christianisme réduit à cette dimension sociale – : « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (v. 40).

Qui sont les frères de Jésus ?

Les textes parallèles le montrent sans ambiguïté :

40 Qui vous reçoit me reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. 41Qui reçoit un prophète en qualité de prophète obtiendra une récompense de prophète, et qui reçoit un juste en qualité de juste obtiendra une récompense de juste. 42Quiconque donnera à boire même un seul verre d’eau froide à l’un de ces petits en qualité de disciple, en vérité je vous le dis, il ne perdra point sa récompense.

Matthieu 10.40-42

4C’est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. 5Et quiconque reçoit en mon nom un petit enfant comme celui-ci, me reçoit moi-même. 6Mais si quelqu’un était une occasion de chute pour un de ces petits qui croient en moi, il serait avantageux pour lui qu’on suspende à son cou une meule de moulin, et qu’on le noie au fond de la mer.

Matthieu 18.4-6

40En effet, celui qui n’est pas contre nous est pour nous. 41Et quiconque vous donnera à boire un verre d’eau en mon nom, parce que vous êtes au Christ, en vérité, je vous le dis, il ne perdra point sa récompense.

42 Mais si quelqu’un était une occasion de chute, pour l’un de ces petits qui croient, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui mette autour du cou une meule de moulin, et qu’on le jette dans la mer.

Marc 9.40-42

Le mot « frère », dans la Bible, désigne toujours les membres du peuple de Dieu : Israël, l’Église, et ce que l’on fait à un membre du corps de Christ, on le fait à Christ.

Les références bibliques attestant ce principe sont innombrables, évoquant des gestes négatifs : « Lorsque quelqu’un (du peuple) péchera et commettra une infidélité envers l’Éternel en mentant à son prochain… » (Lévitique 5.21) ou positifs : « Dieu n’est pas injuste pour oublier votre travail et l’amour que vous avez montré pour son nom, ayant rendu et rendant encore des services aux saints. » (Hébreux 6.10)

Pour autant, il va sans dire que l’égalité de condition « en humanité » doit aussi être rappelée, sans restriction aucune, comme le fait l’apôtre Pierre par exemple qui affirme la valeur très grande qui doit être reconnue à chaque être humain – on peut parler ici du respect de la vie en général :

« Honorez tout le monde, aimez les frères, craignez Dieu, honorez le roi. »

1 Pierre 2.17

Ce verset est fort instructif car il indique tout à la fois que personne ne doit être négligé, et que des regards appropriés sont requis qui ne sont pas équivalents pour tous car ils correspondent à des sphères de communion, de responsabilité et d’espérance différentes : « tout le monde », « les frères », « le roi » et enfin « Dieu »… Premier servi (comme disait Jeanne d’Arc).

Dynamique de priorités

Il y a bel et bien dans la Bible une sorte de dynamique de priorités, et comprendre cette dynamique permet d’éviter de sombrer dans une espèce d’humanisme social confondu avec l’Évangile du Christ d’une part, et d’autre part, dans une attitude exclusive où l’on se dépréoccuperait tout à fait du sort de l’humanité dans son ensemble, des pauvres, des petits…, pour ne plus s’intéresser vraiment qu’au bien-être des seuls chrétiens, de la seule Église de Jésus-Christ :

« Nous nous sommes conduits avec sainteté et pureté devant Dieu, dans le monde, et surtout envers vous » (2 Corinthiens 1.12).

« Pratiquons le bien envers tous, surtout envers les frères en la foi » (Galates 6.10).

Évidemment, est-il nécessaire de le dire ici ? Mais peut-être que oui ?

Dieu se soucie aussi de l’ensemble des hommes, car il est le Créateur de tous.

La théologie réformée a recours à la notion de la grâce générale de Dieu en faveur de tout ce qui vit (Gn 9.8-17 ; Ps 145.16 ; Ac 14.16-17), comme quand Jésus dit qu’il « fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, qu’il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Matthieu 5.45)

Je pense aussi ici à ce texte si significatif qui dit que « Dieu est le sauveur de tous les hommes, plus particulièrement des croyants » (1 Timothée 4.10)

C’est d’ailleurs en vertu de cet amour englobant, général de Dieu envers toute l’humanité que les chrétiens que nous sommes sont exhortés à prier et à œuvrer pour le bien commun, et pas uniquement pour celui de l’Église.

Deux textes bibliques sont souvent cités pour rappeler que le peuple de Dieu doit aussi se soucier de la cité dans laquelle il vit et rechercher son bien.

« Recherchez le bien de la ville où je vous ai menés en captivité et priez Dieu en sa faveur, car votre bonheur dépend du siens » (Jérémie 29.7).

« Priez pour tous les hommes, pour les rois et pour ceux qui sont élevés en dignité, afin que nous menions une vie tranquille, en toute piété et honnêteté » (1 Timothée 2.1-2).

Pour autant, cet amour général et universel envers tous ne doit pas nous faire oublier qu’il y a aussi une grâce particulière qui concerne uniquement le peuple des rachetés, les élus du Seigneur, le peuple de Dieu, l’Église, et c’est là que notre texte d’aujourd’hui nous interpelle.

Ce sont là deux dimensions indissociables, car Dieu est la source de l’une et de l’autre, mais non pas identiques car la finalité n’est pas la même dans les deux cas.

La grâce commune n’est pas la grâce spéciale, et l’amour général de Dieu envers tous les hommes n’exclut pas son amour particulier envers les sauvés, les disciples de Jésus-Christ, les plus petits des frères de Jésus selon l’expression de notre texte.

Cette focalisation de l’amour du Seigneur pour son Église est comparable à celle de l’amour qu’un homme porte à son épouse, d’une manière exclusive.

Cela ne signifie pas que cet homme n’a pas aussi de la considération, du respect et des obligations envers les autres femmes, mais en aucune manière il ne leur devra ce qu’il doit à sa femme et à elle seulement.

« C’est ainsi que les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. Jamais personne n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps… Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église. »

Ep 5.25ss. Cf. Os 2.18, 21-22

Le jugement des nations

Alors revenons à notre texte maintenant, puisque nous avons apporté cet éclairage nécessaire sur la signification de l’expressions emblématique « les plus petits de mes frères » qui désigne les disciples du Christ.

Je vous rappelle quand même que, dans notre texte, il s’agit du jugement des nations, qui seront jugées en fonction de leur attitude à l’égard des disciples du Christ et de l’Église.

Il faut bien comprendre ce que la Bible nous enseigne à ce sujet, au sujet des nations, de la place des nations dans le dessein de Dieu.

La nation est une institution divine depuis la Création, au même titre que la famille ou que le mariage.

C’est une entité à la fois juridique et territoriale – car qui dit nation dit frontières , qui regroupe un certain nombre d’individus, qui font corps, qui font histoire commune, qui font culture et qui font civilisation.

Et ces nations sont appelées à servir le Seigneur, selon les paroles du Christ dans les derniers versets de l’évangile de Mathieu :

« Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. 19Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, 20et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

Matthieu 28.18-20

Notez bien l’expression : « tout pouvoir m’a été donné ».

C’est dire la souveraineté du Christ.

Verset 19 : « Faites de toutes les nations des disciples » !

Jésus ne dit pas : « Faites dans toutes les nations des disciples », mais bien « de toutes les nations ».

C’est très différent.

Alors on comprend mieux le sens de notre texte d’aujourd’hui, sachant cela.

Le projet de Dieu c’est de faire des nations des disciples du Christ.

Il fut un temps où la France était considérée comme « la fille ainée de l’Église ».

Vous voyez ? La fille ainée de l’Église, autrement dit il fût un temps où la France était une fidèle disciple du Christ.

Vous me répondrez sans doute que les choses ne sont pas aussi simples, et que bien des infidélités ont été commises par ceux qui se prétendaient pourtant des chrétiens, et qui ont commis toutes sortes d’injustices, jusqu’à défigurer parfois le visage de l’Église. Cela est arrivé déjà, plusieurs fois. Bien sûr.

Mais il n’empêche, qu’à certaines époques de son histoire, la France s’est montrée plus ou moins attachée aux valeurs de l’Évangile, et à Jésus-Christ même, et je parle de la France mais on doit pouvoir en dire autant de bien d’autres pays dans le monde. Bien sûr.

Ce sont les nations qui dans notre texte se retrouvent devant le tribunal du Christ, et c’est en tant que nations que certaines sont dites être placées à la droite du Christ, tandis que d’autres, les boucs, sont placées à sa gauche.

Peut-être devons-nous ici prendre très au sérieux la réalité de ce qui est signifié dans notre texte, à savoir que toutes les nations ne se valent pas au regard de leur attitude vis-à-vis du Christ et de son royaume.

Toutes les nations, en tout cas, n’ont pas, à la fin, le même sort, la même destinée : les brebis à sa droite, les boucs à sa gauche.

Alors il nous faut évangéliser les nations, il nous faut prier et œuvrer pour l’évangélisation du monde, et pour le salut du monde.

Il y a quelques chose qui relève de l’urgence ici, et qui fait appel à notre responsabilité.

Parce que c’est bien de notre responsabilité que le sort des nations dépend, en un sens !

Sommes-nous de ceux qui lorsqu’un serviteur de Dieu est venu frapper à la porte, l’avons accueilli comme si c’était Jésus-Christ lui-même, l’avons-nous soutenu, l’avons-nous encouragé plutôt que persécuté ?

Car il y a des pays dans le monde aujourd’hui encore où les chrétiens sont persécutés, nous le savons bien.

Parce que ce que nous avons fait ici à l’égard « du plus petit des frères de Jésus », c’est à Jésus lui-même que nous l’avons fait !

Je cite ici un commentaire de Matthieu 25 qui dit la même chose, avec d’autres mots :

« Dieu juge les nations, juifs ou païens, qui ont méprisés ces petits, frères du Christ.

Dans l’évangile, nous avons plusieurs fois entendu combien les disciples sont assimilés aux prophètes justes mais méprisés, bafoués, persécutés (Mt 5.1-12).

Au temps de Matthieu, des chrétiens vivent dans une certaine injustice, rejetés, méprisés y compris au sein de la synagogue qu’ils fréquentent, comme au sein de leur propre famille.

La parabole vient affirmer que le Seigneur et frère, leur rend justice ainsi qu’à ceux qui les défendent.

Cette interprétation est renforcée par la mention du diable dans les versets suivants. Ce même mot nous renvoie aux tentations de Jésus au désert (Mt 4.41.5.8.11), où le diable s’oppose à l’humble mission du Christ refusant toute domination, afin de révéler l’amour et le règne du Père. » (François Bessonnet)

Fin de citation !

Conclusion

Alors en conclusion je dirai ceci.

Notre texte nous invite à prendre très au sérieux les exhortations du Christ à œuvrer activement pour le royaume, en attendant le grand jour du Jugement dernier, à toujours avoir de l’huile pour notre lampe, à faire fructifier les dons du Seigneur en nous, par l’annonce de l’évangile, le témoignage, et par l’exemple aussi d’une vie sainte, qui honore vraiment Dieu.

Il s’agit véritablement d’évangéliser les nations, de discipuler les nations, de faire de toutes la nations de la terre des disciples du Christ.

Et comment honorer d’avantage le Seigneur et témoigner de notre appartenance à son royaume si ce n’est en nous aimant les uns les autres, véritablement ?

Car nous serons juger sur l’amour !

Le salut par la foi seule ne nous dispense pas d’aimer.

La foi qui doit nécessairement s’illustrer par des œuvres de charité, afin que le monde croit.

Amen

Pasteur Vincent Bru


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