Le panthéon, qu’il soit antique (lieu où l’on honore plusieurs dieux) ou moderne (temple dédié aux “grands hommes”), entre directement en collision avec le principe de la Réforme : Soli Deo Gloria — À Dieu seul la gloire.
1. Le principe du Soli Deo Gloria : Dieu seul est digne de gloire
Le cœur du calvinisme, c’est la souveraineté absolue de Dieu sur toute la création.
Tout ce qui vit, agit, pense ou crée tire son être de Dieu seul, et donc toute gloire doit remonter à Lui.
« Nous ne sommes rien, si ce n’est en Dieu. »
— Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, I.15.5
Calvin s’élève contre toute forme d’auto-glorification humaine, qu’elle soit religieuse ou culturelle. Pour lui, l’homme qui se glorifie lui-même usurpe la gloire qui revient à Dieu :
« La gloire de Dieu n’est pas en sûreté là où il reste à l’homme la moindre gloire. »
— Calvin, Commentaire sur Ésaïe 42.8
Ce verset biblique est fondamental :
« Je suis l’Éternel, c’est là mon nom ; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre. » (Ésaïe 42.8)
Ainsi, l’idée même d’un panthéon des grands hommes contredit cette vérité : elle fait du génie humain une forme de divinité. L’homme devient le centre, le but, le modèle à exalter. C’est là le contraire du christianisme biblique, où Dieu seul est au centre.
2. Le panthéon : une théologie inversée
Le panthéon (au sens culturel moderne) est une liturge séculière : on y célèbre la grandeur humaine, on encense les héros de la nation, les génies des arts ou des sciences. C’est une adoration sans autel, mais pas sans idoles.
Or, selon les Réformateurs, toute idolâtrie n’est pas forcément religieuse : elle peut être intellectuelle, culturelle ou politique.
« Le cœur de l’homme est une fabrique perpétuelle d’idoles. »
— Jean Calvin, Institution, I.11.8
Autrement dit, l’homme ne cesse d’inventer des substituts à Dieu — des “grands hommes”, des “valeurs”, des “idées”, ou même l’humanité elle-même. Le panthéon républicain est une idolâtrie raffinée : il glorifie l’homme sous prétexte d’honorer le progrès.
Mais selon le christianisme, la vraie grandeur de l’homme n’est pas d’être adoré, mais d’adorer.
« La grandeur de l’homme, c’est d’être à genoux. »
— Blaise Pascal, Pensées (pensée 264)
3. Les Pères de l’Église : contre l’auto-divinisation de l’homme
Les Pères, bien avant la Réforme, ont vu le danger d’un humanisme sans Dieu.
Augustin oppose la Cité de Dieu à la Cité des hommes : la première adore Dieu, la seconde s’adore elle-même.
« Deux amours ont bâti deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, et l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. »
— Augustin, La Cité de Dieu, XIV, 28
C’est exactement l’opposition entre le panthéon et le culte chrétien :
le premier glorifie l’homme pour l’homme ; le second glorifie Dieu pour Dieu.
De même, Jean Chrysostome écrit :
« Rien ne rend l’homme plus semblable au démon que de vouloir recevoir la gloire qui appartient à Dieu. »
— Homélie sur Matthieu 6.1
4. L’humanisme athée : la créature à la place du Créateur
L’humanisme moderne, lorsqu’il se coupe de Dieu, devient une idolâtrie subtile : il ne fait plus de statues, mais il déifie l’homme collectif.
Paul l’avait déjà annoncé :
« Ils ont remplacé la gloire du Dieu incorruptible par des images représentant l’homme corruptible. » (Romains 1.23)
L’humanisme athée est une théologie inversée : il croit encore au salut, mais sans Sauveur. Il croit en la dignité, mais sans Créateur. Il croit en la gloire, mais sans Dieu.
C’est pourquoi Calvin, Luther et les autres Réformateurs affirment que toute œuvre humaine, même brillante, est souillée par l’orgueil si elle ne rend pas gloire à Dieu.
« Tout ce que nous faisons n’a de valeur qu’autant que nous le rapportons à Dieu. »
— Martin Luther, Préface aux Romains (1522)
5. La vraie grandeur de l’homme : l’homme à genoux
Le christianisme n’écrase pas l’homme, il le replace à sa juste place.
L’homme est grand non parce qu’il est au sommet, mais parce qu’il s’incline devant Celui qui est au-dessus de tout.
« L’homme n’est jamais plus grand que lorsqu’il se prosterne devant Dieu. »
— Jean Calvin (commentaire sur les Psaumes)
La Réforme a donc rétabli cette vérité : la dignité humaine ne vient pas de l’autonomie, mais de la dépendance.
L’homme n’est pas un dieu, il est l’image de Dieu — et toute sa beauté vient de là.
6. Conclusion : du panthéon à la doxologie
Le panthéon est une liturgie sans transcendance.
Le Soli Deo Gloria est une liturgie éternelle : tout vient de Dieu, tout est par Lui, tout retourne à Lui.
« Car de lui, par lui et pour lui sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles ! Amen. »
— Romains 11.36
Le croyant réformé ne nie pas la valeur des grands hommes — il la rapporte à la source de toute grandeur.
Nous n’avons pas besoin d’un panthéon terrestre, car nous avons déjà un trône céleste : celui de l’Agneau immolé, devant lequel tout genou fléchira (Philippiens 2.10–11).
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