Siméon

Luc 2.22-40 : « Mes yeux ont vu ton salut » – Vincent Bru (prédication)

Dimanche 31 décembre 2023 – Fête de la Sainte Famille – N’Djaména (Tchad)

Prédication sur Luc 2.22-40 : « Mes yeux ont vu ton salut » (Pasteur Vincent Bru)

Autres lectures : Genèse 15.1-6 ; 21.1 – 3 ; Hébreux 11.8, 11-12, 17-19

22Et, quand les jours de leur purification furent accomplis selon la loi de Moïse, on l’amena à Jérusalem pour le présenter au Seigneur – 23suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur – 24et pour offrir en sacrifice une paire de tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme c’est prescrit dans la loi du Seigneur.

25 Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. 26Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27Il vint au temple, (poussé) par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qui était en usage d’après la loi, 28il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :

29Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur

S’en aller en paix selon ta parole.

30 Car mes yeux ont vu ton salut,

31Que tu as préparé devant tous les peuples,

32 Lumière pour éclairer les nations

Et gloire de ton peuple, Israël.

33Son père et sa mère étaient dans l’admiration de ce qu’on disait de lui. 34Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère : Voici : cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction, 35et toi-même, une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées.

36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était d’un âge fort avancé. Après avoir vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité, 37elle resta veuve, et, âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple et servait (Dieu), nuit et jour, par des jeûnes et des prières. 38Elle survint elle aussi, à cette même heure ; elle louait Dieu et parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la rédemption de Jérusalem.

39Lorsqu’ils eurent tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.

40Or le petit enfant grandissait et se fortifiait ; il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

Introduction

Vous est-il déjà arrivés d’attendre quelque chose impatiemment, voire très impatiemment ?

Lorsque l’on espère que quelque chose arrive, et que, finalement, cette chose finit par arriver, après une longue période de temps, nous éprouvons alors un vrai soulagement, comme un athlète qui arrive au bout de la course, comme le marin qui finit par arriver au port après avoir bravé la tempête, comme la terre aride qui attend la pluie, comme la nuit attend le jour…

Le texte qui nous est proposé pour aujourd’hui nous introduit dans le mystère du salut qui se trouve en Jésus-Christ, l’enfant de Noël, salut qui a été annoncé longtemps auparavant dans la Sainte Écriture, avec la venue du Messie. Le Messie qui est dépeint sous différents traits : le prophète comme Moïse, selon le livre du Deutéronome, le roi-sauveur, le Fils de David, venu pour délivrer son peuple, et dont le règne n’aura pas de fin (Jérémie 23.5), le serviteur de l’Éternel, aussi, dont parle le livre du prophète Ésaïe.

L’attente messianique à l’époque du Nouveau Testament était omniprésente en Israël, et la question n’était pas de savoir si le Messie devait venir mais quand il allait venir.

Plus de quatre cents ans s’étaient écoulées depuis la mort du dernier prophète, le prophète Malachie, aussi le peuple était animé par une réelle impatience : 400 ans de silence ! Cela commence à faire !

La question qui se posait alors c’était de savoir de quel genre de Messie il serait, car les prophéties semblaient parfois se contredire, ou plutôt l’interprétation de celles-ci n’étaient pas si évidentes que cela.

Serait-il un grand roi, un roi-guerrier comme David, qui viendrait chasser l’occupant romain ?

Moïse n’avait-il pas été envoyé par Dieu pour délivrer le peuple de l’esclavage en Égypte ?

Fallait-il s’attendre ici aussi à une libération d’ordre politique, qui ne concernerait que le seul peuple d’Israël ?

Ou bien le Messie devait-il être autre chose, quelque chose de beaucoup plus grand, de beaucoup plus élevé, de beaucoup plus universel aussi comme le laissaient entendre les nombreux passages du prophète Ésaïe au sujet du serviteur de l’Éternel, le serviteur souffrant venue pour apporter le salut à Israël et aux nations ?

La « consolation d’Israël » qu’évoque Siméon, en écho à la prophétie d’Ésaïe 40, et la « délivrance de Jérusalem » dont parle la prophétesse Anne, en lien avec tant d’autres passages de l’Ancien Testament, ne devaient-elles pas s’étendre, pour finir, à tous les peuples de la terre ?

Consolation d’Israël : consolation de toutes les nations de la terre !

Seulement voilà, tous ne l’entendaient pas de cette oreille : Pharisiens, Saducéens, Zélotes, communauté de Qumran, gens du peuple, tout ce monde-là était fortement divisé sur la signification et la portée des temps messianiques, et sur la nature du royaume, et il le sera de plus en plus au fur et à mesure que les prophéties messianiques deviendront une réalité dans les faits et gestes, et les paroles de Jésus.

Ainsi, avec la bonne nouvelle du salut apporté par l’enfant de Noël qu’il tient dans ses bras, Siméon annonce la division inévitable qui ne manquera pas d’arriver au sein même du peuple élu, du peuple d’Israël, autour de la question du Messie, verset 34 :

« Voici : cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction, 35et toi-même, une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées. »

Cette contradiction, nous la voyons se manifester tout au long de l’histoire de l’Église et de l’humanité : c’est la division radicale dont parle Saint Augustin dans la Cité de Dieu entre ceux qui aiment Dieu jusqu’au mépris d’eux-mêmes, et ceux qui s‘aimes eux-mêmes jusqu’au mépris de Dieu.

Il y a un glaive qui sépare deux humanités : celle en Adam, l’humanité pécheresse, en révolte contre Dieu, et celle qui a été rachetée par Jésus-Christ, l’humanité croyante, obéissante, prête à recevoir le Messie de Dieu tel qu’il se fait connaître, tel qu’il s’est fait connaître.

Siméon et Anne sont les prémices de cette humanité-là, la nouvelle humanité créée selon Dieu.

Le contexte

Un mot sur le contexte de notre texte.

Après la double annonciationZacharie 1.5-25 et à Marie 1.26-38), et nos deux naissances et circoncisions (de Jean 1.57-66 et de Jésus 2.1-21), l’évangéliste Luc nous fait revenir au Temple (1.5-25) où se déroulent deux autres scènes : la présentation de Jésus (2.22-40) et la fugue de ce dernier, à ses douze ans (2.41-52).

Ces deux tableaux reprennent le thème du dessein de l’enfant, en présence des parents de Jésus.

Rares épisodes de cette période un peu mystérieuse de la vie de Jésus, tandis qu’il prend petit à petit conscience de sa mission, et que le dessein de Dieu envers lui se précise, ici par la bouche de Siméon et Anne, lors de sa présentation au Temple. A douze ans, il est clair que Jésus manifeste déjà là une claire conscience de son identité et de sa mission : il sait qui il est et pourquoi il a été envoyé par Dieu dans ce monde.

L’ensemble de ces textes sont imprégnés de la Loi de Moïse et de la parole des prophètes.

Il y a à chaque fois une évocations des commandements de la Loi de Dieu, et une parole claire sur la réalisation des prophéties messianiques.

Notre texte du jour est composé de cinq sections concentriques :

  1. L’arrivée des parents au Temple et la Loi (2.22-24)
  2. Le cantique de Siméon sur l’enfant (2.25-32)
  3. La parole de Siméon à Marie (2.33-35)
  4. La louange de la prophétesse Anne (2.36-38)
  5. Et enfin, le départ des parents et la Loi (2.39-40)

Nous voyons que la parole de Siméon à Marie aux versets 33 et suivants, est au centre de cette section et représente, ainsi, un élément clé pour comprendre l’ensemble de ces paroles.

Je lis au verset 22 :

La présentation au Temple (2.22-24)

22Et, quand les jours de leur purification furent accomplis selon la loi de Moïse, on l’amena à Jérusalem pour le présenter au Seigneur – 23suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur – 24et pour offrir en sacrifice une paire de tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme c’est prescrit dans la loi du Seigneur.

Il faut savoir que l’offrande ici concerne la purification de la mère : un couple de tourterelles ou deux petites colombes (2.24), quand bien même il est aussi question dans le texte de la consécration de Jésus.

La loi juive prévoyait en effet un moment pour la purification de la mère, 40 jours après l’accouchement d’un garçon, 20 jours pour un fille.

Après l’accouchement, la femme était écartée, momentanément, de la fréquentation du Temple exigeant un état de pureté. La jeune mère devait simplement attendre le temps nécessaire pour sa purification et l’offrande pouvait avoir lieu plus tard, comme indiqué en Exode 13.2-15 (Lire aussi Ex 34.9 et Nb 18.5-16). Celle-ci était généralement effectuée par l’époux : les femmes ne pouvant s’approcher du sanctuaire et de l’autel.

Le rite de la consécration des premiers-nés était distinct de la purification. Il est lié à la Pâque rappelant le salut offert aux hébreux lors de la sortie d’Égypte (Ex 12-15). Il manifeste la liberté et la vie destinées aux hébreux esclaves, alors que l’ange du Seigneur décimait les premiers-nés égyptiens afin de fléchir la décision de Pharaon.

La consécration des premiers-nés n’est pas seulement un rite lié à la naissance, elle manifeste la foi des fils d’Israël en Dieu Sauveur. L’offrande à cette occasion n’est pas précisée sinon dans le livre des Nombres qui demande, durant le mois suivant la naissance, un don aux prêtres de cinq sicles (équivalemment à 3 ou 4 jours de travail).

Il convient de faire plusieurs remarques ici.

Premièrement, si nous sommes en présence de deux rites, une seule offrande est mentionnée et concerne la purification de la mère : un couple de tourterelles ou deux petites colombes (2.24). Ce don au Seigneur correspond à l’offrande du pauvre qui n’a pas les moyens de sacrifier une tête de petit bétail. Ce détail est avant tout destiné à rappeler la pauvreté de la mangeoire et le ministère du Christ annonçant la Bonne Nouvelle aux pauvres (4.18). Au cœur du Temple, Jésus rejoint déjà la pauvreté de son peuple. Aussi, est-ce probablement intentionnellement que Luc omet les cinq sicles d’argent destinés à la classe sacerdotale qui seront les premiers accusateurs du procès de Jésus. L’offrande est destinée à Dieu seul.

Deuxièmement, l’évangéliste fait se déplacer l’ensemble de la famille : le couple et l’enfant nouveau-né. Or, il n’était pas nécessaire pour ces rites, de faire se déplacer la mère et l’enfant. Cependant, pour son récit, tous sont nécessaires en particulier Marie et Jésus qui seront tout deux bénéficiaires d’une parole prophétique par Siméon. Ainsi, ces deux rites concernent la mère (la purification) et l’enfant (la consécration) et annoncent déjà le temps de la « pureté » retrouvée des fils d’Israël et l’avènement d’une nouvelle Pâque en Jésus-Christ. Notre passage est effectivement introduit par cet accomplissement du temps (2.22) qui ne peut se réduire aux seuls rites et prendra tout son sens avec la parole de Siméon.

Aussi, Luc insiste-t-il davantage sur la consécration de l’enfant pour laquelle il cite explicitement le précepte de la Loi. A cette occasion, il reprend l’expression biblique pour désigner ce que le texte a traduit par premier-né : Celui qui ouvre l’utérus, dianoigon metran (διανοῖγον μήτραν). Dans son évangile, le verbe ouvrir (dianoigô) ne se retrouve qu’à un autre endroit : lors de la manifestation du Ressuscité aux disciples d’Emmaüs (24.31, 32, 45). Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent (24.31). D’autres yeux vont bientôt s’ouvrir sur ce salut déjà présent.

Verset 25 :

Siméon et l’enfant (2.25-32)

25 Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. 26Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27Il vint au temple, (poussé) par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qui était en usage d’après la loi, 28il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :

29Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur

S’en aller en paix selon ta parole.

30 Car mes yeux ont vu ton salut,

31Que tu as préparé devant tous les peuples,

32 Lumière pour éclairer les nations

Et gloire de ton peuple, Israël.

Les rites de la Loi enfin accomplis, Luc nous fait entendre des paroles prophétiques.

L’ordre n’est pas anodin : après le temps de la Loi, vient celui des prophètes attendus avec l’avènement du temps messianique.

Remarquez que Siméon est décrit comme un homme juste et pieux, sur qui repose l’Esprit Saint : impossible par conséquent de confondre ses paroles avec les élucubrations d’un vieux fou.

Ses paroles ont autant de poids que si c’était Moïse lui-même qui parlait, ou le prophète Élie !

Siméon incarne à lui seul l’espérance du peuple d’Israël et de tous les prophètes de l’Ancien Testament : il attend de voir l’avènement du Messie du Seigneur ; il sait, parce que Dieu le lui a révélé, qu’il ne mourra pas avant de l’avoir vu de ses yeux.

Comment Siméon a-t-il eu cette révélation ? Mystère ! Il y a un mystère de la prophétie biblique, du ministère prophétique dans la Bible ; tout ce que l’on peut dire c’est que les prophètes dans la Bible avaient une relation unique avec Dieu, et qu’ils étaient, à ce tire, l’objet de révélations spéciales de Dieu, comme nous le voyons ici avec Siméon.

On sait peu de chose sur ce personnage, sur son passé, ni même sur ce qu’il deviendra par la suite, mais ce que l’on sait en revanche, c’est que c’était un prophète, et qu’à ce titre, sa parole ici est véritablement une parole de Dieu, la Parole de Dieu.

Le propre du prophète c’est de parler de la part de Dieu. Dieu parle à travers lui. Comme aujourd’hui Dieu parle à travers sa Parole, la Bible.

Revenons à notre texte.

Luc insiste : Jésus n’est pas devenu le Sauveur, le Christ et Seigneur (2.11), il l’a été dès sa conception et sa naissance. Siméon contemple ce sauveur dans la fragilité d’un enfant, comme, plus tard, ce même Sauveur sera contemplé dans l’abaissement du crucifié. Siméon vient donner sens à toutes les annonces précédentes.

Au verset 25 il est dit que Siméon attendait « la consolation d’Israël ».

La consolation d’Israël et l’Esprit

L’enfant qu’il tient dans ses bras incarne cette consolation d’Israël, une expression puisée au livre du prophète Ésaïe qui annonce la fin de l’exil à Babylone et le retour de la gloire du Seigneur en Israël :

És 40.1 Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – 2 parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes. 3 Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. […] 5 Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé.

Siméon dont le nom signifie « Dieu a entendu » attend lui-aussi, lui plus que quiconque la consolation d’Israël, la libération décrite au chapitre 40 d’Esaïe, qui annonce aussi d’ailleurs l’ouverture du salut à toutes les nations.

L’enfant sera le salut pour la gloire d’Israël, mais aussi la lumière des nations (Es 42.6) attendu pour la fin des temps. L’ensemble du vocabulaire des paroles de Siméon s’appuient sur des textes de l’Écriture annonçant l’avènement du règne de Dieu et de son Messie. Mais, dans sa bouche, elles n’évoquent pas un passé, ni même un avenir, mais, et c’est ce qui fait toute la différence, un présent. Siméon a vu, ce jour, le salut de Dieu dans la personne de l’enfant Jésus.

Verset 33 :

Siméon et Marie (2.33-35)

33Son père et sa mère étaient dans l’admiration de ce qu’on disait de lui. 34Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère : Voici : cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction, 35et toi-même, une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées.

Glaive et contradiction

L’étonnement des parents rend compte de l’inattendu, cher à Luc, de ce messie, mais, cet inattendu est surtout mis en valeur par les paroles de Siméon à Marie.

Soudain, le ton devient dramatique : l’avènement du Sauveur apporte, certes le salut, la gloire et la lumière, mais également : chute et relèvement, contradiction, glaive.

À travers cette annonce, Luc montre combien l’avènement du Christ, en Jésus, inaugure, aussi, un temps de division.

À ce point du récit, Marie, la mère venant au Temple accomplir la Loi, représente Sion : l’ensemble du peuple croyant attendant le salut de Dieu :

Ps 87.5 Mais on appelle Sion : « Ma mère ! » car en elle, tout homme est né. C’est lui, le Très-Haut, qui la maintient.

Or Sion sera divisée à propos de Jésus notamment lors de son procès. Et Luc le rappellera à ses lecteurs :

Luc 12.51 Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.

La parole de Siméon annonce déjà ces débats et ces luttes au sein du Judaïsme de la synagogue comme aussi parmi les chrétiens comme le rapportera le livre des Actes des Apôtres.

Le salut est bien présent au Temple, mais c’est aussi au sein du Temple que s’annonce bien des divisions (Lc 20-23) qui vont « partager » le cœur de la mère.

Jean 1.3 : « La lumière est venue chez les siens et les siens ne l’ont pas reçue… »

Division au sein du peuple d’Israël que l’on voit se dessiner tout au long de l’Évangile de Luc.

Marie représente le peuple d’Israël, Sion : elle est la juive par excellence, et elle porte dans sa personne même toute la foi du peuple juif.

Le glaive est probablement aussi une allusion à ses souffrances au pied de la croix, celle d’une mère aimante pleurant son fils supplicié…

Verset 36 :

Anne, la prophétesse

36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était d’un âge fort avancé. Après avoir vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité, 37elle resta veuve, et, âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple et servait (Dieu), nuit et jour, par des jeûnes et des prières. 38Elle survint elle aussi, à cette même heure ; elle louait Dieu et parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la rédemption de Jérusalem.

Le texte grec parle d’une prophétesse. Ce terme désigne, comme en Ésaïe (És 8.3), la femme du prophète. Cependant, dans le livre de l’Exode, le mot prophétesse est attribuée à Myriam, sœur de Moïse. Dans le livre des Juges (Jg 4.4), Déborah est qualifiée ainsi, de même Houlda au livre des Rois (2R 22.14).

Dans le contexte de l’évangile de Luc des récits d’enfance, comme on peut le voir avec Élisabeth, Marie et Zacharie, le prophétisme est omniprésent, et ce passage ne fait pas exception : Anne est prophétesse et, comme Myriam à la sortie d’Égypte (Ex 15.20-21), elle chante la délivrance d’Israël sur les chars de Pharaon.

Le nom de Anne nous renvoie également à la mère du prophète Samuel (1S 1-2). Elle fut celle, qui dans l’humiliation, eut la faveur de Dieu qui mit fin à sa stérilité et lui donna un fils, Samuel. Ce dernier, mettra fin aux exactions des prêtres de Silo et introduira la Royauté, notamment avec l’onction de David (1S 13). Luc avait d’ailleurs emprunté de nombreux passages du cantique d’Anne (1S 2.1-10) pour le magnificat de Marie (1.46-56).

La délivrance d’Israël

Anne est dépeinte sous les traits d’une personne très âgée (pour l’époque) et d’une veuve n’ayant connu que sept ans de mariage. À elle seule, elle représente cette longue attente d’Israël pour l’avènement d’un sauveur, de l’époux eschatologique.

Le nombre 84 représente la multiplication des chiffres 7 (l’accomplissement) et 12 (Israël).

De même, Luc la situe nuit et jour dans le Temple, à servir le Seigneur – comme le faisait également le jeune Samuel (1S 3.1) au temps où la parole du Seigneur était rare et la vision peu répandue.

La présence de Jésus au Temple vient donc inaugurer un temps nouveau espéré, pour la délivrance d’Israël.

Je lis au verset 39 :

À Nazareth (2.39-40)

39Lorsqu’ils eurent tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.

40Or le petit enfant grandissait et se fortifiait ; il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

La finale de ce passage n’est pas sans rappeler la conclusion du cantique de Zacharie à propos de Jean-Baptiste :

1.80 L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.

Les deux phrases sont proches, mais Luc ajoute, à propos de Jésus, la sagesse et la grâce.

Comme pour Jean, Luc souligne la croissance de l’enfant au milieu de son peuple : Jésus doit lui aussi grandir et se fortifier, comme tout enfant de son âge ; tout n’est pas acquis d’avance ; cette maturation est ici synonyme d’épanouissement.

L’enfant est associé à la sagesse et à la grâce : La sagesse, au sein du Judaïsme, représente la connaissance de Dieu, l’attention à la Parole de Dieu (Pr 1.1-2) ; elle est ainsi souvent associée à sa justice (Ps 36.30) et à la crainte du Seigneur (Ps 111.10).

La sagesse ne représente pas seulement une qualité humaine mais un surtout un don de Dieu, comme l’éclaire aussi le terme de grâce.

Pour Luc, c’est déjà dans cette petitesse que Dieu, en son Fils (2.1ss) se manifeste et demeure au milieu des siens, dans le petit village, sans renommée, de Nazareth. Ces quelques versets de Luc expriment ainsi tout l’humilité de Dieu.

Conclusion

En conclusion je dirai ceci.

Siméon représente le peuple d’Israël dont la vocation a été d’apporter le Messie, et donc le Salut au monde.

Jésus dira plus tard – c’est dans l’évangile de Jean – que « le salut vient des juifs ».

Il nous faut avoir cette image magnifique de Siméon portant l’enfant Jésus dans ses bras, tandis qu’il adresse à Dieu cette parole dans une prière que nous pouvons faire notre désormais :

29Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur

S’en aller en paix selon ta parole.

30 Car mes yeux ont vu ton salut,

31Que tu as préparé devant tous les peuples,

32 Lumière pour éclairer les nations

Et gloire de ton peuple, Israël.

Une prière en forme de bénédiction qui nous rappelle que Christ est notre paix.

Je termine avec ces mots du Catéchisme de Heidelberg qui semblent faire échos aux paroles de Siméon :

Quelle est ton unique consolation dans la vie comme dans la mort ?

Mon unique consolation, c’est que, dans la vie comme dans la mort, j’appartiens, corps et âme, non pas à moi-même, mais à Jésus-Christ, mon fidèle Sauveur :

  • par son sang précieux, il a totalement payé pour tous mes péchés et m’a délivré de toute puissance du diable ;
  • il me garde si bien qu’il ne peut tomber un seul cheveu de ma tête sans la volonté de mon Père qui est dans les cieux,
  • et que toutes choses doivent concourir à mon salut.
  • C’est pourquoi, par son Saint-Esprit, il m’assure la vie éternelle et me rend prêt et disposé à vivre désormais pour lui, de tout mon cœur.

Amen !


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