Catéchisme de Genève

Catéchisme de Genève – Commentaire Vincent Bru (Questions 1 à 15)

Pour un commentaire du Catéchisme de Heidelberg c’est ici.

Le Catéchisme de Genève [PDF version 1542] est un catéchisme sous la forme de questions-réponses rédigé en français en 1542 et en latin en 15451 (la version que nous utilisons ici) par Jean Calvin, avec pour objectif de présenter un exposé succinct et suffisamment développé de la foi chrétienne, dans la fidélité à l’enseignement de la Bible, pour instruire les croyants dès leur plus jeune âge. Il s’adresse aux enfants mais aussi aux jeunes et aux adultes, aux responsables d’Église comme aux simples fidèles.

Dans sa Préface aux lecteurs, Calvin dit ceci :

« Cela a été une chose que toujours l’Église a eu en singulière recommandation d’instruire les petits enfants en la doctrine chrétienne. Et pour ce faire, non seulement on avait anciennement les écoles, et commandait-on à un chacun de bien enseigner dans la doctrine sa famille ; mais aussi l’ordre public était par les temples d’examiner les petits enfants sur les points qui doivent être communs entre tous les chrétiens. Et afin de procéder par ordre, on usait d’un formulaire, qu’on nommait catéchisme. Depuis le diable, en dissipant l’Église et faisant l’horrible ruine dont on voit encore les enseignes en la plupart du monde, a détruit cette sainte police et n’a laissé que je ne sais quelles reliques, qui ne peuvent sinon engendrer superstition, sans aucunement édifier. C’est la confirmation, qu’on appelle, où il n’y a que singerie sans aucun fondement. Ainsi ce que nous mettons en avant n’est sinon l’usage qui a de toute ancienneté été observé entre les chrétiens, et n’a jamais été délaissé que quand l’Église a été du tout corrompue. »

Jean Calvin

Il se divise en quatre parties :

  • Les articles de la Foi, qui est un commentaire du Credo (ou Symbole des Apôtres)
  • La Loi de Dieu, avec une exposition succincte des dix paroles de l’Alliance (les fameux Dix Commandements)
  • La prière du Notre Père
  • Les Sacrements (le Baptême et la Sainte Cène)

Le but principal de la vie de l’homme

L’introduction au Catéchisme est on ne peut plus calviniste, par ses accents fortement théocentriques – centrés sur Dieu – : elle évoque la finalité de notre vie, ainsi que notre « souverain bien » qui consiste dans la connaissance de Dieu.

1. Quelle est le but principal de la vie humaine ?

C’est de connaître Dieu, car il nous a créés.

2. Comment peux-tu l’affirmer ?

S’il nous a créés et placés dans ce monde, c’est pour être glorifié en nous. Cette vie, dont il est le Créateur, n’est-il pas juste de la consacrer à sa gloire ?

D’emblée, ce qui est mis en avant, en échos au tout premier chapitre de l’Institution de la Religion Chrétienne, c’est la connaissance de Dieu : Connaître Dieu n’est rien moins que la finalité de la vie humaine, sans laquelle l’homme n’est rien. Rien ne saurait être plus important que cela. Dieu nous a créés afin que nous le connaissions, et ce faisant, afin que nous le glorifions. Il s’agit donc bien de rapporter toute notre vie à sa gloire.

Nous retrouvons ici le principe moteur de la Réforme, à savoir le Soli Deo Gloria, A Dieu seul la gloire !

Dès le début, le Catéchisme prend le contre-pied de l’humanisme moderne : Dieu doit être reconnu comme Dieu, et l’homme doit être ramené à sa juste mesure, à sa juste valeur, et dans son juste rapport, sa juste relation avec le Créateur, avec Dieu.

Luther disait que l’homme n’existait vraiment que devant Dieu (Coram Deo), et qu’il était impossible de donner une définition de ce qu’est l’être humain en dehors de ce lien de dépendance absolue avec Dieu. On retrouve ces mêmes accents théocentriques – qui s’oppose à anthropocentrique – dans le Catéchisme de Calvin.

Le Catéchisme de Westminster, un autre catéchisme de la Réforme, plus tardif, fait aussi écho à cette priorité de Dieu dans sa première question :

Question : Quel est le but principal de la vie de l’homme ?

Réponse : C’est de glorifier Dieu et de trouver en lui notre bonheur éternel.

La finalité de la vie de l’homme c’est de trouver son bonheur en Dieu. On peut relever une note d’hédonisme chrétien dans cette dernière formulation : « trouver en lui notre bonheur éternel ».

Nous sommes tous en quête du bonheur. Le vrai bonheur ne se trouve pas dans les biens de ce monde, qui ne sont que passagers (« Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, tout est vanité », Ecclésiaste 1.2), mais en Dieu pour qui nous avons été créés.

Le bien suprême ou souverain bien

C’est aussi là ce que dit Calvin dans son Catéchisme :

3. Quel est donc le bien suprême de l’homme ?

C’est ce que je viens de dire.

4. Pourquoi ?

Parce que, sans cela, notre condition est pire que celle des bêtes.

5. Il est donc clair que le plus grand malheur pour l’homme, c’est de ne pas vivre pour Dieu ?

Oui.

Rien n’est pire que de ne pas vivre pour Dieu. Sans la connaissance de Dieu, l’homme passe à côté de sa finalité, le but de son existence, son bien suprême, son souverain bien. La vie humaine n’a aucun sens sans Dieu. Sans cela « notre condition est pire que celle des bêtes », dit Calvin.

Le drame du péché c’est de nous éloigner de Dieu, de nous couper de la source de la vie, et ceci est un très grand malheur : « le plus grand malheur pour l’homme, c’est de ne pas vivre pour Dieu. »

Pour pouvoir vivre « selon Dieu », encore faut-il le connaître, et connaître sa volonté pour notre vie.

Je pense ici à cette citation de Saint Augustin :

« Tu nous a créés pour toi, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en toi. »

Saint Augustin, Les Confessions

La vraie connaissance de Dieu

Le Catéchisme de Genève continue en disant :

6. Quelle est alors la véritable connaissance de Dieu ?

Celle qui nous pousse à lui témoigner l’honneur qui lui est dû.

7. Quelle est donc la manière de l’honorer comme il faut ?

Il faut mettre en lui toute notre confiance,

  • l’invoquer chaque fois que la nécessité nous presse,
  • chercher en lui notre salut et tous les biens qui nous sont nécessaires,
  • enfin, du cœur comme des lèvres, reconnaître que c’est de lui seul que nous viennent tous ces biens.

Nous voyons ici que la connaissance véritable de Dieu a pour unique objet la gloire de Dieu : il s’agit de connaître Dieu afin de l’honorer, et non pas de satisfaire notre curiosité, ni de flatter notre orgueil. Calvin établit ici une distinction nette entre le vrai Dieu et la manière de bien le connaître, et le Dieu silencieux et lointain des philosophes et des savants, le « Grand Horloger de l’Univers » des Francs-maçons, qui se réduit à un savoir spéculatif.

Connaître Dieu, dans la perspective biblique, c’est l’aimer, et c’est vivre d’une manière digne de lui.

La manière de bien honorer Dieu consiste à faire sa volonté, en rapportant tout à sa gloire, tout en reconnaissant que tous les biens procèdent de lui seul.

Dieu est l’auteur de tout bien. Il est lumière et il n’y a aucunes zones d’ombre en lui. Il est d’autant plus digne de notre amour qu’il n’est pas l’auteur du mal, et que sa toute puissance est celle d’un Père aimant, non d’un tyran.

Il est « le Père Tout-Puissant » pour reprendre les mots du Credo.

Aussi importe-t-il de placer en lui notre pleine confiance, puisqu’il est toute bonté et tout amour, et de nous attendre à lui seul pour notre salut.

C’est ce que précise le Catéchisme dans les questions suivantes :

8. Examinons point par point ce que tu viens de dire, et voyons les choses en détail. Qu’as-tu déclaré d’abord ?

Qu’il nous faut mettre en lui toute notre confiance.

9. Comment y parvenir ?

En reconnaissant sa toute-puissance et sa bonté parfaite.

10. Est-ce suffisant ?

Non.

11. Pourquoi ?

Parce que nous ne sommes pas dignes qu’il nous révèle sa toute-puissance en nous portant secours, ni qu’il manifeste sa bonté pour nous sauver.

12. Que faut-il donc plus ?

Chacun de nous doit croire fermement en son cœur que Dieu l’aime, et qu’il veut être pour lui un Père et un Sauveur.

13. D’où nous viendra cette certitude ?

De sa Parole, bien sûr ! dans laquelle il nous déclare sa miséricorde en Jésus-Christ et nous assure de son amour.

La connaissance de la puissance et de la bonté de Dieu ne suffit pas, encore faut-il, dit Calvin, que nous soyons bien persuadés, que nous soyons certains même que Dieu nous aime, personnellement, et qu’il veut faire de nous ses enfants d’adoption, afin de devenir notre Père et notre Sauveur.

Il ne suffit pas de savoir que Dieu est amour, qu’il est tout-puissant et toute bonté ; il faut aussi croitre qu’il est notre Dieu, selon la promesse qui court tout au long de la Bible : « Vous serez mon peuple, et je serai votre Dieu » !

Il y a un lien d’appartenance qui est essentiel ici : autrefois nous étions « sans Dieu et sans espérance dans le monde », mais aujourd’hui nous sommes devenus ses enfants d’adoption. Nous sommes à lui, nous sommes son peuple, le troupeau que sa main conduit. Jésus-Christ est notre divin berger, et nous sommes ses brebis (Jean 10).

Connaître Dieu par Jésus-Christ

C’est ici, précisément, que la personne et l’œuvre du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ interviennent : impossible de placer notre confiance en Dieu et d’entrer dans sa communion sans passer par la médiation de Jésus-Christ, le seul médiateur entre Dieu et les hommes, le médiateur de l’Alliance.

14. Donc, pour placer en Dieu notre pleine assurance, l’essentiel est de le connaître à travers le Christ ?

Oui.

C’est ici la vie éternelle, qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.

Jean 17.3

15. Voudrais-tu, en quelques phrases, me dire en quoi, au fond, consiste cette connaissance ?

Elle est définie dans la Confession de Foi, ou Formulaire, que tous les chrétiens possèdent en commun. On l’appelle couramment le « Symbole des Apôtres », car elle a été admise dès l’origine dans l’Église par tous les fidèles. Elle nous vient des Apôtres, par tradition orale ou écrite.

Nous touchons ici à un point essentiel, c’est qu’il n’est pas possible de s’approcher de Dieu, ni même de le connaître, sans passer par Jésus-Christ. Si nous connaissons Dieu, c’est parce qu’il s’est fait connaître, il est descendu du Ciel jusqu’à nous, il s’est révélé dans sa Parole, la Bible, et en Jésus-Christ, la Parole faite chair, comme l’exprime si bien le prologue de l’évangile de Jean :

« 14 La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père. (…) 16Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce, 17car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. 18Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu (le Fils) unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. »

Jean 1.14-18

Le Catéchisme insiste ici sur le fait que la foi doit avoir un contenu et qu’il nous faut savoir en quoi l’on croit, ou plus exactement en quoi nous devons croire.

Les théologiens distinguent la foi-confiance, la foi par laquelle on croit, la fides qua creditur, et la Foi, avec un grand F, qui est la foi-croyance, la foi objective, qui doit est crue, la foi une et indivisible de l’Église, la fides quae creditur, telle qu’exprimer remarquablement dans le Credo, ou Symbole des Apôtres. Ces deux types de foi marchent ensemble, elles sont indissociables.

Le contraire de la vraie foi, c’est la superstition, et c’est l’erreur, l’hérésie qui consiste à faire un choix arbitraire et personnel, subjectif dans l’ensemble de la révélation et de la Foi de l’Église.

Seule la Parole de Dieu, dont on trouve la droite interprétation dans les Confessions de Foi (Credo, Nycée, Trois formules d’unité, Ausgbourg, etc.) constitue la norme souveraine (norma normans), tandis que nos expressions humaines sont des normes normées (normae normatae).

Les questions qui suivent sont un commentaire du Credo, que tout chrétien doit connaître, et surtout confesser, avec l’ensemble de l’Église, parce qu’il constitue une expression fidèle de la vérité de la Parole de Dieu, comme nous allons le voir.

  1. Il s’agit de l’édition réalisée par la « GKEF » en collaboration avec les éditions Kerygma en France en 1991. Le texte en français actuel a été rédigé par les soins de Madame Thérèse Randegger, Agrégée de l’Université (Lettres classiques) et du pasteur Pierre Marcel, Docteur en théologie, en France. « Dès 1545, Calvin publie son édition latine qui, à nos yeux, reste prioritaire, avec les meilleures garanties théologiques et scientifiques, pour toute nouvelle publication tant en français qu’en toute autre langue. » (Pierre Marcel, Préface à l’édition de 1991, dont nous nous servons ici) ↩︎

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