Introduction
Le protestantisme libéral se caractérise par une lecture critique et rationaliste des Écritures, centrée sur l’éthique plutôt que sur la divinité du Christ ou la souveraineté de Dieu. Ce courant trouve ses racines dès l’Antiquité avec des précurseurs contestataires et des glissements doctrinaux perceptibles dès le 16ᵉ siècle au sein du protestantisme réformé. La tradition libérale se consolide pleinement au 18ᵉ–19ᵉ siècle avec les rationalistes allemands et européens.
Précurseurs anciens (1ᵉʳ – 4ᵉ siècles)
Marcion (85–160)
Prône une distinction radicale entre le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau Testament ; divergence sur l’unité de Dieu et l’inspiration des Écritures.
Arius (256–336)
Remet en cause la divinité pleine du Christ ; divergence sur la Trinité, le Christ et le salut.
Autres minoritaires anti-trinitaires
Théodote, Paul de Samosate : contestation du dogme trinitaire, anticipation des glissements rationalistes.
16ᵉ siècle – Anti-trinitaires et rationalistes précoces
Michel Servet (1509–1553)
Critique de la Trinité et du baptême des enfants ; divergence sur la divinité du Christ et les sacrements.
Fausto Sozzini (Francesco Socini, 1539–1604)
Développement de l’unitarisme ; divergence sur Christ et prédestination.
Théologiens anti-trinitaires de Suisse et Pologne
Remettent en cause la divinité et l’inerrance biblique, fondant les premières communautés unitaires.
17ᵉ – 18ᵉ siècle – Rationalistes et glissements internes
Jean-Frédéric Turretin (le fils, 1621–1687)
Se rapproche de l’esprit rationaliste et moraliste ; divergence sur la lecture littérale et inerrante de la Bible.
Moïse Amyraut (1596–1664)
Théologie de la grâce universelle partielle ; approche morale de la foi ; divergence sur l’élection et la souveraineté divine.
Académie de Sedan
Opposée à Saumur ; rationalisme croissant, influence sur la critique biblique et la liberté de conscience.
Autres rationalistes français et allemands
Hugo Grotius, Christian Thomasius : accent sur la raison et la moralité plus que sur la foi orthodoxe.
19ᵉ – 21ᵉ siècle – Théologie libérale classique et moderne
Friedrich Schleiermacher (1768–1834)
Religion = sentiment de dépendance ; divergence sur la grâce et la révélation.
David F. Strauss (1808–1874)
Critique historique des Évangiles ; divergence sur miracles et résurrection.
Albrecht Ritschl (1822–1889)
Christianisme réduit à l’éthique ; divergence sur la foi et la souveraineté divine.
Adolf von Harnack (1851–1930)
Essence morale du christianisme ; divergence sur Trinité et Christ.
Ernest Renan (1823–1892)
Vie de Jésus rationalisée ; divergence sur divinité, miracles et inspiration.
Auguste Sabatier (1839–1901)
Foi comme expérience intérieure ; divergence sur la révélation et l’Écriture.
Wilfred Monod (1867–1943)
Éthique de Jésus et fraternité universelle ; divergence sur péché et justification.
Paul Tillich (1886–1965)
Religion = expérience du fondement de l’être ; divergence sur la révélation objective.
Rudolf Bultmann (1884–1976)
Démythologisation de la Bible ; divergence sur miracles et résurrection.
John A. T. Robinson (1919–1983)
Foi hors dogmes traditionnels ; divergence sur la transcendance divine.
Pierre Teilhard de Chardin (1881–1955)
Vision évolutionniste du salut ; divergence sur création et péché.
André Gounelle (1928–… )
Liberté de conscience et raison ; divergence sur inspiration, Trinité et Christ.
Raphaël Picon (21ᵉ s.)
Foi comme relation symbolique ; divergence sur révélation et vérité.
Laurent Gagnebin (Suisse, 20ᵉ–21ᵉ s.)
Dialogue avec la modernité ; divergence sur souveraineté divine et Christ.
John Shelby Spong (US, 20ᵉ–21ᵉ s.)
Christianisme inclusif et critique historique ; divergence sur résurrection et divinité.
Marcus Borg (US, 20ᵉ–21ᵉ s.)
Jésus historique vs Christ de la foi ; divergence sur révélation et salut exclusif.
Conclusion
Dès l’Antiquité, certains mouvements ont remis en question la divinité du Christ et la Trinité, préfigurant les glissements rationalistes et moralisants des siècles suivants. Au 16ᵉ siècle, les anti-trinitaires comme Servet et Sozzini poursuivent cette tendance, tandis que le 17ᵉ–18ᵉ siècle voit émerger des rationalistes et écoles comme l’Académie de Sedan, préparant le terrain pour la théologie libérale classique du 19ᵉ siècle et ses prolongements modernes.
Étudier cette continuité montre comment certaines idées, parfois minoritaires ou contestées, ont progressivement influencé des courants plus larges, toujours en tension avec la théologie réformée classique sur l’inspiration biblique, l’inerrance et la centralité du Christ.