Jean Jouvenet (1644-1717), Jésus chassant les marchands du Temple

Jean 2.13-23 : Le Christ, Temple vivant et source d’eau vive (Vincent Bru)

(Fête de la Dédicace de la Basilique du Latran)

Illustration : D’après Jean Jouvenet (1644-1717), Jésus chassant les marchands du Temple, vers 1706. Huile sur toile, 150 x 238 cm. Château de Maisons (Maisons-Laffitte)

Introduction

Ce dimanche 9 novembre, l’Église catholique célèbre la dédicace de la Basilique du Latran, la plus ancienne église de Rome, considérée comme la « mère et tête de toutes les églises ». Cette fête, dans la tradition romaine, rappelle que Dieu demeure au milieu de son peuple et que le temple est signe de sa présence.

Dans notre tradition réformée, nous recevons volontiers les mêmes lectures bibliques proposées pour ce jour, car elles ouvrent une méditation profonde sur le mystère du Temple de Dieu. Mais notre regard se tourne non vers un édifice particulier, aussi vénérable soit-il, mais vers le Temple vivant qu’est le Christ lui-même, et vers l’Église qui, unie à lui, devient la demeure du Dieu vivant.

Les textes de ce jour – tirés d’Ézéchiel, du Psaume 46, de la première lettre aux Corinthiens et de l’Évangile selon Jean – nous invitent à contempler cette réalité spirituelle : du sanctuaire jaillit une eau vive qui donne la vie ; la cité de Dieu demeure ferme parce que Dieu est au milieu d’elle ; les croyants sont le temple de l’Esprit ; et Jésus, par sa mort et sa résurrection, devient le nouveau Temple où Dieu habite pleinement.

Ainsi, ce dimanche est pour nous une invitation à redécouvrir ce que signifie être la maison de Dieu : non un lieu sacré fait de pierres, mais une communauté habitée par l’Esprit, enracinée en Christ et répandant l’eau vive de l’Évangile dans le monde.


Sermon : Le Christ, Temple vivant et source d’eau vive

Introduction

La fête de la Dédicace de la Basilique du Latran célèbre la plus ancienne église de Rome, considérée comme la « mère et tête de toutes les églises ». Dans la tradition chrétienne, elle ne glorifie pas un édifice, mais la réalité spirituelle qu’il symbolise : le Temple de Dieu, qui est le Christ lui-même, et en lui, l’Église, habitée par l’Esprit. En ce dimanche, la Parole nous conduit à redécouvrir ce que signifie être le Temple de Dieu : un lieu vivant d’où jaillit la vie, la pureté et la communion.


1. Lecture d’Ézéchiel 47.1-2, 8-9, 12 – Le Temple, source d’eau vive

Texte (Bible à la Colombe)
« Il me ramena vers l’entrée de la Maison ; et voici, de l’eau sortait de dessous le seuil de la Maison, vers l’orient, car la façade de la Maison était à l’orient. L’eau descendait de dessous le côté droit de la Maison, au sud de l’autel. Il me fit sortir par la porte du nord, et il me fit faire le tour par dehors jusqu’à la porte extérieure qui regarde vers l’orient ; et voici, l’eau coulait du côté droit. (… ) Il me dit : Ces eaux sortent vers la région orientale, elles descendent dans la Araba, et entrent dans la mer ; et les eaux de la mer deviennent saines. Partout où ira le torrent, tout être vivant qui s’y meut vivra ; il y aura une grande abondance de poissons, car ces eaux arriveront là, et les eaux de la mer deviendront saines ; et tout vivra, partout où ira le torrent. (… ) Sur le torrent, sur ses bords, de chaque côté, croîtront toutes sortes d’arbres fruitiers ; leur feuillage ne se flétrira point, et leurs fruits ne manqueront point ; ils produiront chaque mois de nouveaux fruits, parce que les eaux sortiront du sanctuaire. »

Exégèse et lecture théologique
Ézéchiel reçoit cette vision à Babylone, alors que le Temple de Jérusalem est détruit. Dieu lui révèle un nouveau Temple d’où jaillit l’eau de vie. Le prophète voit que la bénédiction de Dieu ne reste pas enfermée dans le sanctuaire : elle s’écoule vers le monde, assainit la mer Morte et fait fleurir le désert. L’eau symbolise la présence vivifiante de Dieu.
Les Pères de l’Église y ont vu une figure du baptême et de la grâce du Christ. Saint Jérôme écrit : « Du côté du Temple coule l’eau ; du côté du Christ, percé sur la croix, coule le sang et l’eau. » Calvin souligne que Dieu se sert du Temple non pour qu’on s’y enferme, mais pour faire rayonner sa vie au dehors : « Le Seigneur veut que sa grâce se répande, non qu’elle reste captive dans les cérémonies. »
Ainsi, la Maison de Dieu n’est pas un lieu de confinement, mais une source de vie. De même, l’Église, Temple de Dieu, doit laisser jaillir cette eau vers le monde.


2. Psaume 46 (versets 2-3, 5-6, 8-9)

Texte (Bible à la Colombe)
« Dieu est pour nous un refuge et un appui, un secours qui ne manque jamais dans la détresse. C’est pourquoi nous ne craignons rien, quand la terre est bouleversée, et que les montagnes chancellent au cœur des mers. (… ) Il est un fleuve dont les courants réjouissent la cité de Dieu, le sanctuaire des demeures du Très-Haut. Dieu est au milieu d’elle : elle ne chancelle pas. Dieu la secourt dès l’aube du matin. (… ) L’Éternel des armées est avec nous ; le Dieu de Jacob est pour nous une haute retraite. »

Lecture théologique
Le fleuve du psaume répond au torrent d’Ézéchiel. Il réjouit la ville de Dieu : image de la communion vivante entre Dieu et son peuple. La présence de Dieu au milieu d’elle la rend inébranlable, même quand les puissances du chaos menacent. Ce psaume proclame la stabilité que procure la présence divine : « Dieu est au milieu d’elle. »
Augustin commente : « Ce fleuve, c’est l’Esprit Saint, qui réjouit la cité de Dieu ; car ce qui réjouit les saints, ce n’est pas le monde, mais Dieu. » Pour le croyant, le culte devient alors le lieu où Dieu se rend présent, où son Esprit rafraîchit et fortifie la foi.


3. 1 Corinthiens 3.9c-11, 16-17 – L’Église, temple de l’Esprit

Texte (Bible à la Colombe)
« Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu. Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus ; mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. (… ) Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes. »

Exégèse grecque et théologie réformée
Le mot grec naos (temple) désigne le sanctuaire intérieur, le lieu très saint. Paul applique ce terme non pas à un bâtiment, mais à la communauté : les croyants ensemble forment le naos de Dieu, car l’Esprit habite en eux.
Le fondement unique (themelios) est Jésus-Christ : toute autre base est vaine. Luther commente : « Ce Temple n’est pas bâti de pierres, mais de vivants qui entendent la Parole. » Calvin ajoute : « Détruire l’unité de l’Église, c’est abattre le Temple de Dieu. »
Ainsi, la sainteté du Temple devient la sainteté de l’Église : non pas celle des pierres, mais celle des cœurs purifiés par l’Esprit.


4. Jean 2.13-22 – Le Christ, nouveau Temple

Texte (Bible à la Colombe)
« La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le temple les vendeurs de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs assis. Ayant fait un fouet de cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il répandit la monnaie des changeurs, renversa les tables, et dit à ceux qui vendaient les colombes : Enlevez cela d’ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. Ses disciples se souvinrent qu’il est écrit : Le zèle de ta maison me dévore. Les Juifs prirent la parole et lui dirent : Quel signe nous montres-tu, pour agir de la sorte ? Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras ? Mais il parlait du temple de son corps. Quand donc il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. »

Exégèse et théologie
Jésus ne se contente pas de purifier le temple : il annonce qu’il en est le remplaçant. Le Temple ancien, profané par le commerce, sera remplacé par le Temple vivant : son propre corps, détruit et relevé. Le verbe grec egeirô (« relever ») renvoie explicitement à la résurrection.
Origène écrit : « Quand le Seigneur parle du temple de son corps, il nous enseigne que tout le mystère du Temple ancien se réalise en lui. »
Pour Calvin, ce passage révèle la fin de l’économie lévitique : « Le Christ est le vrai sanctuaire, où Dieu se rend présent et réconcilie le monde. »
Ainsi, le culte chrétien n’est plus centré sur un lieu, mais sur une personne. Jésus est le Temple où Dieu habite pleinement, et par l’Esprit, nous devenons participants de ce Temple vivant.


5. Synthèse : Le Christ, Temple vivant et source d’eau vive

Des eaux d’Ézéchiel au corps de Jésus, la Parole trace une ligne claire : la présence de Dieu n’est plus confinée dans un bâtiment, mais elle jaillit du Christ, source d’eau vive (Jean 4.14 ; 7.37-39). Et cette eau coule maintenant dans le cœur des croyants.
L’Église, bâtie sur le fondement de Christ, devient Temple de l’Esprit ; ses membres sont les pierres vivantes d’un sanctuaire spirituel (1 Pierre 2.5).
Le fleuve du Temple symbolise la grâce qui s’écoule de la croix et du tombeau vide vers le monde. Le culte chrétien est donc un lieu de vie et non d’enfermement, de purification et non de commerce, d’envoi et non de refuge statique.


6. Applications pratiques et pastorales

  1. Purifier notre culte : Jésus chasse tout commerce du temple. De même, nos vies et nos communautés doivent être purifiées de toute instrumentalisation du sacré. Le culte n’est pas un échange marchand, mais une rencontre gratuite avec Dieu.
  2. Reconnaître notre identité : Nous sommes le Temple où habite l’Esprit. Cela confère une dignité et une responsabilité : porter la sainteté de Dieu dans nos vies.
  3. Laisser couler l’eau vive : Le fleuve du sanctuaire doit s’étendre au dehors. L’Église n’est pas un musée de la foi, mais une source vivante. Là où elle passe, la vie reprend, les cœurs s’assainissent.
  4. Trouver refuge en Dieu : Le psaume nous rappelle que, même si tout chancelle, la présence de Dieu demeure. Ce temple n’est pas fait de mains d’homme ; il est inébranlable, car il est en Christ.

7. Conclusion

Frères et sœurs, en ce dimanche où l’Église célèbre la dédicace d’un temple de pierre, nous célébrons surtout la dédicace d’un temple vivant : le Christ ressuscité et, en lui, chacun de nous, pierre vivante de sa maison.
Que notre cœur soit ce sanctuaire purifié où jaillit l’eau vive de l’Évangile. Que nos vies deviennent des rivières de grâce, portant la paix et la vie de Dieu à un monde desséché.
Et que la prière du psalmiste devienne la nôtre :
« Dieu est au milieu d’elle, elle ne chancelle pas. L’Éternel des armées est avec nous ; le Dieu de Jacob est notre refuge. »
Amen.


Liturgie du dimanche 9 novembre

Accueil liturgique
Frères et sœurs, aujourd’hui, nous célébrons non pas un temple de pierre, mais le Temple vivant qu’est le Christ. De lui jaillit la source d’eau vive qui purifie, guérit et donne la vie. En lui, l’Église devient la demeure de Dieu parmi les hommes. Entrons dans cette maison spirituelle, avec reconnaissance et révérence.

Vœu de salutation
La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ, Temple vivant de la présence divine. Amen.


1. Prière d’ouverture

Éternel, notre Dieu,
Toi qui demeures au milieu de ton peuple et fais jaillir du sanctuaire les eaux de la vie,
nous venons à toi pour te louer.
Tu n’habites plus dans des temples faits de main d’homme,
mais tu fais de ton Église le lieu de ta présence.
Par ton Esprit, sanctifie ce culte :
que nos chants, nos prières et notre écoute deviennent une offrande vivante.
Purifie nos cœurs de tout commerce et de toute distraction,
afin que nous reconnaissions en Jésus-Christ ton Temple véritable,
notre refuge et notre joie.
Par lui, notre Seigneur et notre Sauveur.
Amen.


2. Lecture de la Loi (Exode 20.1-17)

Frères et sœurs, voici la Loi de Dieu, parole de sainteté pour le peuple du Temple vivant :
« Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face…  »
Après la lecture des commandements, rappelons-nous que Dieu nous appelle à être saints,
car nous sommes son Temple.

Répons
« Seigneur, éclaire-nous par ta Loi, et purifie ton sanctuaire en nous. »


3. Confession du péché

Seigneur notre Dieu,
Nous confessons que nous avons souvent souillé ton temple.
Nos paroles ont manqué de pureté,
nos pensées ont manqué de vérité,
nos cœurs ont marchandé avec le mal.
Nous avons oublié que ton Esprit habite en nous.
Pardonne-nous, Seigneur,
et purifie ta maison.
Chasse de nos vies tout ce qui profane ton nom.
Rends-nous dignes d’être ton peuple saint,
bâti sur le fondement de Jésus-Christ, notre Sauveur.
Amen.


4. Annonce du pardon

Écoutez la bonne nouvelle :
« Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. » (Jean 2.19)
Celui qui est mort et ressuscité pour nous a purifié le vrai sanctuaire.
En lui, nos péchés sont effacés, et nous sommes rendus participants de sa sainteté.
Frères et sœurs, en Jésus-Christ, vous êtes pardonnés,
vous êtes le temple du Dieu vivant.

Répons
Gloire à Dieu, qui fait jaillir l’eau vive de la grâce !


5. Prière d’illumination avant la Parole

Seigneur Jésus,
Temple vivant du Père,
envoie ton Esprit pour illuminer nos cœurs.
Que l’eau vive de ta Parole purifie nos pensées,
désaltère notre foi,
et fasse de nous des pierres vivantes de ton Église.
Ouvre nos oreilles, afin que nous recevions cette Parole qui nous construit sur ton fondement.
Amen.


6. Lectures bibliques

  • Ézéchiel 47.1-2, 8-9, 12
  • Psaume 46
  • 1 Corinthiens 3.9-11, 16-17
  • Jean 2.13-22

(Lecture suivie du sermon « Le Christ, Temple vivant et source d’eau vive ».)


7. Prière d’intercession

Seigneur,
Toi qui fais jaillir du sanctuaire les eaux de la vie,
nous te prions pour ton Église,
qu’elle soit dans le monde un lieu de paix, de vérité et de pureté.
Renouvelle les pasteurs, les anciens et les fidèles,
afin que chacun bâtisse sur le fondement de Jésus-Christ seul.

Nous te prions pour notre pays,
pour ceux qui exercent des responsabilités civiles et militaires :
qu’ils servent la justice, la vérité et la paix.
Fais couler ton eau vive dans les régions desséchées :
auprès des affligés, des malades, des prisonniers, des exilés,
et de tous ceux qui ont soif d’espérance.

Seigneur, fais de ton Église une source de vie pour le monde.
Qu’en tout lieu, ton Esprit renouvelle la face de la terre.
Par Jésus-Christ, Temple vivant et Seigneur de gloire.
Amen.


8. Bénédiction finale

Frères et sœurs,
Que l’eau vive du Christ purifie vos cœurs,
que la présence du Père habite vos vies,
et que la puissance de l’Esprit vous garde dans la sainteté.
Allez en paix, vous êtes le Temple du Dieu vivant.
Amen.


Psaumes et cantiques

#Moment liturgiqueChant / Psaume (Arc-en-Ciel)LienPourquoi l’utiliser
1Accueil / début du culte« Ah ! qu’il est doux pour des frères » (ARC 164)Foedus – Psaumes & Cantiques (foedus.fr)Image de la fraternité dans le temple de Dieu, accueil dans la paix divine.
2Après la Loi ou juste avant l’appel à la confession« Nous voici rassemblés en ton nom, Seigneur » (ARC 201)Foedus – Archives «cantique» (foedus.fr)Rassemblement de la communauté comme «maison de Dieu», en préparation à l’appel au pardon.
3Psaume de réponse (Psaume 46)Psaume 46 – «Dieu est pour nous un refuge…»Foedus – Psautier de Genève / Arc-en-Ciel (foedus.fr)Directement en lien avec la lecture du psaume : Dieu au-milieu, temple stabilisé, fleuve de vie.
4Avant la lecture de l’Évangile ou avant le sermonCantique thème «eau vive / maison du Seigneur» (chercher ARC-###)Foedus – Psaumes & Cantiques (foedus.fr)Introduit l’image de l’eau jaillissante du temple, prépare à l’Évangile du temple purifié.
5Envoi / bénédictionCantique «Le Seigneur est mon berger… vers les eaux tranquilles» ou équivalent dans Arc-en-CielFoedus – Psaumes & Cantiques (foedus.fr)Clôture paisible, rappel que la demeure de Dieu est aussi refuge, source de paix.
6Chant de communion / après le sermonCantique fondation de l’Église-temple : «Vous êtes le temple de Dieu… bâtis sur Christ» (Arc-en-Ciel)Foedus – Archives «cantique» (foedus.fr)Relie directement la 2ᵉ lecture (1 Cor 3) à la vie communautaire : nous sommes temple.

Commentaires

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Foedus

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture