Cet article propose de distinguer les différentes formes de nationalisme afin de montrer qu’il existe une approche authentiquement chrétienne de la nation. En s’appuyant sur l’Écriture, la pensée réformée (notamment Abraham Kuyper), la réflexion classique d’Ernest Renan et les analyses contemporaines de Jean-Marc Berthoud, il met en lumière la différence fondamentale entre un nationalisme biblique, conforme à l’ordre voulu par Dieu, et un nationalisme païen, qui absolutise la nation jusqu’à l’idolâtrie. L’objectif est de rappeler que la nation, comme la famille ou le mariage, est une institution ordonnée par Dieu pour le bien humain, mais qu’elle devient destructrice lorsqu’elle se transforme en divinité terrestre. Cette réflexion vise ainsi à offrir un discernement chrétien solide dans un contexte où les notions de nation, de peuple et d’identité collective sont souvent déformées ou confondues.
Il est essentiel de distinguer deux formes de nationalisme :
- Un nationalisme conforme à l’ordre de Dieu, que l’on peut appeler nationalisme biblique ;
- Un nationalisme idolâtre, que la Bible condamne et que l’histoire a vu s’incarner dans les totalitarismes du XXe siècle.
Le nationalisme biblique reconnaît que la nation est une institution créée par Dieu après Babel (Genèse 11) pour limiter l’orgueil humain et empêcher la formation d’un empire mondial hostile à Dieu. À l’image du mariage ou de la famille, la nation appartient aux structures fondamentales de la loi morale.
Abraham Kuyper le soulignait : « Dieu a divisé le genre humain en nations pour préserver l’humanité du péché collectif et de la tyrannie universelle. »
La nation n’est donc pas un absolu, mais une structure ordonnée à la justice, à la responsabilité, et au respect de la dignité de chaque personne.
Dans cette perspective, les nations ne sont pas des idoles mais des réalités providentielles. Elles ont, pour reprendre Ernest Renan, une dimension morale : « Une nation est une âme, un principe spirituel » fondé sur une mémoire commune et une volonté actuelle de vivre ensemble. Renan rappelle ainsi que la nation n’est pas un bloc racial ou totalisant, mais une communauté libre et volontaire.
À l’inverse, le nationalisme païen absolutise la nation, la divinise et exige des individus qu’ils se dissolvent en elle. C’est ce que l’on a vu dans le nazisme, qui substitue au Dieu vivant une idole collective et exige d’elle une vénération totale. Un tel nationalisme détruit la personne humaine, écrase la conscience et conduit mécaniquement à la dictature, car il fait de la nation un absolu auquel tout doit se soumettre. Le communisme, bien que théoriquement internationaliste, a produit le même résultat : un pouvoir total où l’individu est absorbé par un collectif idolâtré.
Jean-Marc Berthoud, dans son article « Les nations, une malédiction », rappelle que lorsque les nations s’érigent en absolu et refusent leur vocation divine, elles deviennent effectivement des lieux d’oppression, comme Israël lorsqu’il se détourne de Dieu. Mais cela ne nie pas la valeur de l’institution elle-même : c’est l’abus, et non l’institution, qui est problématique. Berthoud insiste que la nation redevient bénédiction lorsqu’elle s’humilie devant Dieu et reconnaît ses limites.
C’est pourquoi le chrétien doit refuser deux extrêmes :
– le mondialisme, qui rejoue Babel et veut uniformiser l’humanité hors de la volonté de Dieu ;
– le nationalisme idolâtre, qui transforme la nation en divinité terrestre.
Entre ces deux erreurs, il existe un chemin : celui d’une vision biblique de la nation, qui honore la diversité voulue par Dieu, protège l’individu, et limite la tyrannie. C’est le « nationalisme biblique » : non pas un culte de la nation, mais un respect de l’institution voulue par Dieu pour le bien commun.
En définitive, la nation ne doit jamais être absolutisée ni idolâtrée, mais elle ne doit pas non plus être dissoute dans une vision uniforme de l’humanité qui répète l’orgueil de Babel. La Bible présente clairement les nations comme une réalité voulue par Dieu pour freiner le mal, protéger les communautés humaines et permettre l’exercice responsable de la justice. Lorsque la nation demeure dans les limites fixées par la loi de Dieu, elle devient un instrument de stabilité, de responsabilité morale et de paix ordonnée.
Calvin rappelait précisément cette vocation modératrice dans son Commentaire sur la Genèse, en interprétant la dispersion de Babel comme une mesure de grâce commune : « Dieu divisa les peuples, afin que l’ambition effrénée des hommes fût réprimée par l’infirmité de leur état divisé. »
Cette dispersion n’est donc pas une malédiction en soi, mais une protection contre la tyrannie d’un pouvoir unifié et rebelle à Dieu.
C’est pourquoi un nationalisme biblique, humble et soumis à la loi divine, reconnaît la nation comme un cadre légitime pour l’exercice de la justice et la préservation de la liberté. À l’inverse, un nationalisme païen, qui érige la nation en idole suprême, ouvre la voie à la dictature, à la violence et à la déshumanisation.
Entre ces deux extrêmes se trouve la voie chrétienne : respecter la nation comme don de Dieu, tout en refusant qu’elle devienne un faux dieu.
Vincent Bru, 29 novembre 2025

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